Adrian GUYOT « L’influence de Machiavel dans la littérature politique du Siècle d’or espagnol »

Le jury est composé de :
M. Harald E. BRAUN (Professeur à l’Université de Liverpool)
M. Romain DESCENDRE (Professeur à l’École Normale Supérieure de Lyon)
Mme Alexandra MERLE (Professeure à l’Université de Caen Normandie)
Mme Marina MESTRE ZARAGOZÁ (Professeure à l’Université Jean Moulin – Lyon 3), directrice
M. Fabrice QUERO, (Professeur à l’Université Paul Valéry – Montpellier 3)
M. José Luis VILLACAÑAS BERLANGA (Professeur à l’Université Complutense de Madrid).

RÉSUMÉ

Cette thèse porte sur l’influence radicale et cruciale exercée par les œuvres de Nicolas Machiavel sur la pensée politique du Siècle d’or espagnol (du règne de Charles Quint à celui de Charles II). J’y explore en détail les différentes tendances travaillant la réflexion politique de la première modernité ibérique, avec un intérêt particulier pour la façon extrêmement dynamique, paradoxale et protéiforme dont Machiavel a été traité par les penseurs des différents espaces du monde hispanique renaissant et moderne.

Certes, il apparaît de prime abord que les thèses exposées par Machiavel dans le Prince (publié en 1532) et dans les Discours sur la première décade de Tite-Live (publiés en 1531) concernant la prévalence de l’efficacité sur la moralité en politique ont connu un accueil plus que glacial dans l’Espagne très catholique des Habsbourg. Machiavel y est mis à l’Index en 1583, et devient alors la victime d’un anti-machiavélisme tonitruant et souvent outrancier. On se sert en effet de Machiavel comme d’un repoussoir, d’un épouvantail conceptuel que l’on accuse de tous les maux du siècle, en particulier de la liberté de conscience et des Guerres de Religion.

Toutefois, un contingent écrasant d’auteurs a en réalité entretenu des rapports bien plus ambigus avec Machiavel que ce qu’il pourrait paraître à première vue. Il convient de préciser que l’Espagne a connu une première période de lune de miel avec l’auteur du Prince, culminant avec la traduction en espagnol des Discours sur la première décade de Tite-Live (deux fois édités en 1552 et 1555 par Juan Lorenzo Ottevanti), une œuvre considérablement appréciée par des auteurs trop heureux de trouver chez le Florentin des outils conceptuels leur permettant de penser les problématiques se posant à des États en expansion. De cette première époque date aussi une adaptation en espagnol de l’Art de la guerre, sous le titre de Tratado de re militari, par Diego de Salazar, publi&ea cute ; en 1536. Avec sa mise à l’Index, Machiavel fait ensuite l’objet d’un intense tir de barrage ad hominem, mais en réalité sa pensée n’a cessé d’exercer une grande fascination sur nombre d’écrivains, lesquels entreprendront, ouvertement ou tacitement, de discuter et d’évaluer ses idées. Sur des questions telles que l’usage de la dissimulation et de la simulation, de la libéralité et de la prodigalité, de la cruauté ou de la clémence, du respect de la parole donnée ou encore de la valeur politique de la religion, Machiavel devient ainsi un interlocuteur incontournable, qui encouragera les théoriciens espagnols à s’emparer de la question épineuse et pourtant fondatrice pour la modernité, de la raison d’État.

Enfin, Machiavel est un auteur dont les idées ont été pillées, plagiées, reprises et adaptées par un nombre conséquent de penseurs ibériques qui pourtant ne cessent de clamer leur anti-machiavélisme, un phénomène qui m’a permis de reconnaître l’existence d’un machiavélisme espagnol.

Cette thèse a été publiée en 2023 par les éditions Classiques Garnier.