Atelier de recherche pratique : écoute et imagination


Contact :
Emmanuel Reibel

Cet atelier de recherche pratique constitue le second volet d’un programme sur l’écoute romantique amorcé au printemps 2018. L’un des aspects les plus déterminants de l’écoute romantique est le fait qu’elle mobilise, au-delà de la sensibilité ou de l’intellect, la faculté de l’imagination. Les recherches musicologiques récentes ont montré qu’était dite « romantique », au début du XIXe siècle, la musique aux vertus poétiques et picturales, mettant en action l’imagination de ses auditeurs. Si la musique imitative avait pu de longue date être associée à des images ou à des mots, le XIXe siècle modifie en profondeur la relation de l’auditeur à l’art des sons : désormais, toute musique, y compris et surtout la musique purement instrumentale, sans programme ni argument imagé, est susceptible de devenir « romantique », c’est-à-dire d’interpeller l’imagination de l’auditeur. Les traces de cette écoute « romantique » peuvent se traquer dans divers témoignages individuels, correspondances ou articles journalistiques. C’est ainsi, par exemple, que toutes les symphonies de Beethoven, sans exception, furent entendues comme des récits ou des drames dont on se plut à détailler le contenu. Ce fut aussi le cas de ses quatuors à cordes ou de ses œuvres pianistiques. De la même façon, si Chopin se garda bien d’associer sa musique à des référents externes, ses œuvres ne cessèrent d’être tantôt « parolisées » (mélodies de Viardot), selon une pratique récurrente à l’époque, tantôt « explicitées » dans des textes, paraphrases ou poèmes rendant très concret le lien entre écoute et imagination.
Plusieurs questions se posent alors aujourd’hui aux interprètes « historiquement informés » : comment, au-delà de l’instrument ou du style, intégrer le paramètre de l’écoute dans l’interprétation ? Comment favoriser, voire susciter, cette écoute imagée ? Il faut alors réfléchir à la façon dont les partitions intègrent l’horizon de l’écoute romantique, et il est nécessaire de se plonger dans les témoignages d’auditeurs de l’époque. Une autre question découle de la première : écoute-t-on aujourd’hui comme hier ? Comment sensibiliser les auditeurs d’aujourd’hui à la façon dont les auditeurs de l’époque entendaient la musique ? Que penser des dispositifs verbalisant les expériences d’écoute au cœur même du concert ?
L’idée de cet atelier est d’apporter quelques réponses à ces questions, en invitant interprètes et auditeurs à tester certaines configurations, et en proposant à de jeunes musicologues de recueillir des témoignages pour alimenter la réflexion générale.
On travaillera de façon plus spécifique sur les Préludes de Chopin, à partir de témoignages d’écoute et/ou de paraphrases littéraires qui s’inscrivent dans la continuité de la relation romantique à ce répertoire : Marie Garron-Ziegler, Traduction des Préludes de Chopin, Julius Kapp, Chopin’s Preludes op. 28. Aufzeichnungen von Laura Rappoldi-Kahrer nach Angaben von Liszt, W. von Lenz und Frau von Muckhanoff, Berthe-Emile Vinchon, Le Prélude de la goutte d’eau.

Intervenants :
Florent Albrecht (pianoforte), Sophie Lannay (comédienne), Paulo Meirelles (pianoforte)
Avec Emmanuel Reibel (Université Lumière Lyon 2), Benoît Haug (ENS Lyon), un groupe d’une dizaine d’étudiants de M2 /doctorat musicologie de Lyon 2, et 30 auditeurs invités


La Fondation Royaumont favorise l’interaction entre musiciens et chercheurs et propose régulièrement d’organiser des ateliers thématiques permettant à des universitaires et à des étudiants de mener des recherches pratiques (M2-doctorat).
C’est dans ce cadre qu’Emmanuel Reibel organise en partenariat avec l’Université Lumière Lyon 2 et l’IHRIM un séminaire-atelier sur l’écoute de la musique au XIXe siècle.
La question qui se pose est la suivante : Est-il possible de faire avancer la musicologie de l’écoute et de la réception en travaillant de façon expérimentale avec des interprètes et des auditeurs ? Est-il possible à rebours d’enrichir les pratiques instrumentales d’aujourd’hui par la prise en compte des dernières avancées de la recherche musicologique en matière d’écoute historique ?
Il s’agira donc de mener une recherche expérimentale et participative faisant interagir chercheurs, étudiants, interprètes, mais aussi – et c’est là l’originalité de cet atelier – trente auditeurs qui accepteront d’être interrogés et testés. Les étudiants auront un rôle d’observateurs et d’enquêteurs auprès des différents acteurs de l’atelier afin de tirer une série de conclusions.

Séminaire de recherche en musicologie 2018