Contrôler le temps, une ambition royale (France - 1580-1789)


Organisation : Delphine REGUIG (université Jean Monnet Saint-Étienne / IUF)

En raison d’une configuration politique très particulière, celle de la mise en place de la monarchie absolue de droit divin, l’âge classique français est une époque où l’on a dû penser le temps. Car, dans la période encadrée par les troubles des guerres civiles et la Révolution française, l’affirmation de la monarchie absolue a mis en crise la possibilité d’écrire son histoire : la gloire du roi, garante de la paix et de la stabilité du royaume, pouvait être montrée, notamment par les arts plastiques, mais ne pouvait plus être racontée, en raison des limites épistémique, éthique et rhétorique de l’éloge. Un discours collectif, en lieu et place de ce récit, a déployé un imaginaire et une politique de la temporalité. Catégorie fondamentale qui a fait alors l’objet d’une instrumentalisation idéologique inédite, le temps est devenu une notion non plus quantitative mais qualitative. S’il y a un classicisme en France, et dans la culture européenne dans son ensemble, c’est parce que l’âge classique a été une époque où on a cherché à construire un temps absolu à partir des temps relatifs, des époques passées ou présentes, y compris les plus anciennes et les plus chargées d’héritage.
L’hypothèse que cette journée d’études entend examiner concerne la façon dont l’action du roi a institué et conduit cette opération symbolique d’essence hautement politique. L’entreprise a consisté à conférer des propriétés au temps, et pas seulement à l’enregistrer ; elle a donc été propre à fonder une politique culturelle destinée à orienter les institutions et les productions lettrées. L’objectif est d’observer les modalités par lesquelles le monarque absolu a cherché à exercer un contrôle sur les représentations de la temporalité par ses sujets : édiction de lois, décisions institutionnelles ou protocolaires, choix de représentation, manipulation des repères historiques comme autant de signes (on rappellera avec F. Hartog et J. Revel, que « tout discours historique est susceptible d’usages politiques1 »), interventions dans les mesures chronologiques, dans l’interprétation des phénomènes cosmiques (les comètes par exemple) ou météorologiques, instrumentalisation du calendrier, récupération de notions comme celle de modernité, fabrique de la mémoire politique, pour citer quelques phénomènes susceptibles d’être abordés par les communications. Il s’agit de mesurer la façon dont le roi s’est impliqué lui-même dans la constitution d’une idéologie du temps inséparable de l’exercice de la monarchie absolue.

On pourra aborder ces questions depuis tous les champs disciplinaires : histoire, études littéraires, histoire des idées, philosophie, histoire des arts, etc. Les propositions, accompagnées d’une brève présentation bio-bibliographique, sont à adresser à Delphine REGUIG, avant le 31 mai 2022.


1 Les Usages politiques du passé, Paris, Ed. de l’EHESS, « Enquête », 2001, p. 14.

En raison d’une configuration politique très particulière, celle de la mise en place de la monarchie absolue de droit divin, l’âge classique français est une époque où l’on a dû penser le temps. Car, dans la période encadrée par les troubles des guerres civiles et la Révolution française, l’affirmation de la monarchie absolue a mis en crise la possibilité d’écrire son histoire : la gloire du roi, garante de la paix et de la stabilité du royaume, pouvait être montrée, notamment par les arts plastiques, mais ne pouvait plus être racontée, en raison des limites épistémique, éthique et rhétorique de l’éloge. Un discours collectif, en lieu et place de ce récit, a déployé un imaginaire et une politique de la temporalité. Catégorie fondamentale qui a fait alors l’objet d’une instrumentalisation idéologique inédite, le temps est devenu une notion non plus quantitative mais qualitative. S’il y a un classicisme en France, et dans la culture européenne dans son ensemble, c’est parce que l’âge classique a été une époque où on a cherché à construire un temps absolu à partir des temps relatifs, des époques passées ou présentes, y compris les plus anciennes et les plus chargées d’héritage.

L’hypothèse que cette journée d’études entend examiner concerne la façon dont l’action du roi a institué et conduit cette opération symbolique d’essence hautement politique. L’entreprise a consisté à conférer des propriétés au temps, et pas seulement à l’enregistrer ; elle a donc été propre à fonder une politique culturelle destinée à orienter les institutions et les productions lettrées. L’objectif est d’observer les modalités par lesquelles le monarque absolu a cherché à exercer un contrôle sur les représentations de la temporalité par ses sujets : édiction de lois, décisions institutionnelles ou protocolaires, choix de représentation, manipulation des repères historiques comme autant de signes (on rappellera avec F. Hartog et J. Revel, que « tout discours historique est susceptible d’usages politiques1 »), interventions dans les mesures chronologiques, dans l’interprétation des phénomènes cosmiques (les comètes par exemple) ou météorologiques, instrumentalisation du calendrier, récupération de notions comme celle de modernité, fabrique de la mémoire politique, pour citer quelques phénomènes susceptibles d’être abordés par les communications. Il s’agit de mesurer la façon dont le roi s’est impliqué lui-même dans la constitution d’une idéologie du temps inséparable de l’exercice de la monarchie absolue.

1Les Usages politiques du passé, Paris, éd. de l’EHESS, « Enquête », 2001, p. 14.