Écrits de compositeurs et espaces médiatiques


Organisateur : Emmanuel REIBEL

Le programme DICTECO (Dictionnaire des écrits de compositeurs) est porté par Emmanuel Reibel dans le cadre de sa délégation à l’Institut universitaire de France. Inauguré en novembre 2016, Dicteco est devenu une application numérique développée par la société Logilab et hébergée par la TGIR Huma-Num : encore en cours de développement actuellement, Dicteco sera à terme à la fois un dictionnaire, dont les entrées présenteront répertorier leurs numérisations existantes. L’application numérique permettra aussi d’éditer certains corpus rares.

Conçu en collaboration avec Michel Duchesneau et Valérie Dufour, Dicteco s’inscrit dans le sillage d’une réflexion musicologique systématique menée depuis plus de dix ans dans le domaine des écrits de compositeurs. Les principaux jalons de ce champ de recherche ont
été, successivement, l’organisation d’un programme de séminaires en partenariat entre
l’Université de Montréal, l’Université libre de Bruxelles et l’EHESS de Paris ; la création d’un Réseau international d’étude des écrits de composteurs ; l’organisation d’un colloque international organisé par l’OICRM de Montréal, puis la parution d’un ouvrage co-dirigé par Michel Duchesneau, Valérie Dufour et Marie-Hélène Benoit-Otis (Écrits de compositeurs, une autorité en questions, Vrin, 2013)4. Ce collectif sonde de façon diversifiée cet immense corpus, en interrogeant notamment la question de l’autorité du compositeur dans l’univers des discours sur la musique, mais en abordant également des problématiques théoriques, historiques, philologiques ou encore éditoriales. Parallèlement, les journées d’étude organisées par Timothée Picard sur la critique musicale au XXe siècle (actes à paraître) ont
également intégré un volet de réflexion sur les compositeurs-critiques.

Si l’incroyable augmentation du nombre de ces écrits, à partir du XIXe siècle, a été éclairée à la lumière d’enjeux sociologiques (l’évolution du statut du compositeur), esthétiques (l’apparition d’une distance entre idée et pratique musicale) ou intellectuels (l’émergence de la musicologie et de la critique musicale inscrivant la musique dans la culture lettrée), on aimerait que le corpus des écrits de compositeurs soit interrogé de façon plus systématique au regard de l’espace médiatique, qui s’est imposé depuis le XIXe siècle comme un élément central de la vie culturelle et sociale, révolutionnant, au fil des mutations technologiques, les conditions de production et de réception des œuvres artistiques. On voudrait ainsi éclairer le corpus des écrits de compositeurs à la lumière des apports des travaux récents menés sur la culture médiatique, dans le sillage des recherches d’Alain Vaillant ou de Marie-Eve Thérenty5. Cette perspective a été travaillée tout particulièrement à l’université Lumière Lyon 2, dans le cadre de l’ancien laboratoire LIRE, et à présent au sein de l’IHRIM (Institut d’Histoire des Représentations et des Idées dans la Modernité), à la faveur de colloques qui se sont tenus sur Presse et Scène au XIXe siècle ou encore Presse et Opéra (XVIIIe-XIXe siècles), publiés ou à paraître sur le site medias19.org.

Nous aimerions, en l’occurrence, interroger sur une large période (XIXe-XXIe siècles), la relation complexe mais fascinante entre écrits de compositeurs et espaces médiatiques. En effet, d’un côté l’espace journalistique a dès le XIXe siècle sollicité la voix des compositeurs de façon déterminante, de nombreux périodiques souhaitant s’attirer des plumes de renom,
confier les feuilletons musicaux aux personnalités les plus autorisées, ou encore interroger partis à la conquête de ce nouvel espace médiatique pour assurer leur autopromotion, pour s’adresser largement à leurs auditeurs, pour ferrailler dans le débat esthétique, pour préparer ou contrôler la réception de leurs œuvres, etc. Les motivations peuvent être extrêmement différentes, complexes à démêler, à l’instar d’un Berlioz qui trouve tout à la fois dans la critique musicale un moyen de subsistance non négligeable, une façon de satisfaire son goût pour la polémique ou pour l’écriture littéraire, et une manière de construire sa carrière – du moins l’espère-t-il si l’on en croit cette lettre de mars 1837 à son père : « Je crois que j’accepterai [la demande] de la Chronique de Paris et de L’Encyclopédie du XIXe siècle, à cause de la puissance que ces feuilles me donneront pour aider encore à l’influence si énergique des Débats. […] Il faut arriver à l’Opéra, c’est là ma machine de guerre pour battre la porte de cette immense théâtre. »6
De la presse, qui croît de façon exponentielle au XIXe siècle en raison de son industrialisation, jusqu’aux réseaux sociaux contemporains, qui reconfigurent l’espace médiatique à la faveur des nouvelles technologies, les médias sont investis par les compositeurs selon des logiques très différentes qu’on aimerait mettre en lumière. Comment comprendre l’extrême loquacité – ou au contraire le relatif silence – de certains compositeurs ? Comment les médias ont-ils, à une longue échelle, sollicité ou au contraire tenu à distance la voix des compositeurs ? Le corpus des écrits et propos médiatiques (qui peut aussi englober celui des entretiens radiophoniques retranscrits) doit-il servir à éclairer les œuvres musicales ou possède-t-il une logique et des motivations indépendantes ? Les mutations des espaces médiatiques ont-ils fait évoluer la notion même d’écrit de compositeur ? Qu’en est-il à l’heure du tweet ? Les communications pourront donc porter, entre autres, sur les thématiques suivantes :

  • Le système médiatique comme mode de production, de diffusion ou de réception des écrits de compositeurs.
  • Les différentes fonctions des écrits de compositeurs au sein des espaces médiatiques.
  • La typologie des formes d’écrits de compositeur dans les médias.
  • Le lien entre propos de compositeurs, espaces médiatiques et révolution numérique.
  • Le lien entre propos de compositeurs, réseaux médiatiques et enjeux politiques.
  • La voix du compositeur dans l’espace public.

On aimerait favoriser des communications s’attachant à des perspectives thématiques ou synthétiques, même si les approches monographiques seront naturellement prises en considération. L’objectif sera également d’alimenter Dicteco en contrepoint de la réflexion menée au sein du colloque : il serait apprécié que des notices ou des encodages de corpus dont il sera question dans les communications soient envisagées par les contributeurs.

Les projets de communication (2000 signes environ) seront à remettre, accompagnés d’une bio-bibliographie, à Emmanuel Reibel (emmanuel.reibel gmail.com) avant le 15 décembre 2017.

  • 4 Diverses journées ont été aussi consacrées aux écrits d’artistes à l’ULB, donnant lieu notamment au volume dirigé par Laurence Brogniez et Valérie Dufour, Entretiens d’artistes : poétique et pratiques, Paris, Vrin, 2016.
  • 5 Voir Presse et plumes : journalisme et littérature au XIXe siècle, Paris, Nouveau Monde, 2004 ; Presse, nations et mondialisation au XIXe siècle, Paris, Nouveau Monde, 2010 ; La Civilisation du journal : histoire culturelle et littéraire de la presse française au XIXe siècle, Paris, Nouveau Monde, 2011.
  • 6 Lettre de Berlioz à son père, 8 mars 1837, CG II, p. 336.

Cette manifestation est le premier volet d’une réflexion menée dans le cadre du programme DICTECO (Dictionnaire des Écrits de Compositeurs). Un deuxième volet est d’ores et déjà programmé pour le printemps 2019 à l’Université libre de Bruxelles, sous la responsabilité de Valérie Dufour : il portera sur la question de la culture lettrée des compositeurs. Un troisième volet est à l’étude pour 2020.

Comité scientifique :

Olivier Bara (Université Lumière Lyon 2, France) Nicolas Donin (Ircam, France), Michel Duchesneau (Faculté de musique de Montréal, Canada), Valérie Dufour (Université libre de Bruxelles, Belgique), Mark Everist (Université Southampton, Royaume-Uni), Katharine Ellis (University of Bristol, Royaume-Uni),Laurent Feneyrou (Ircam, France), Barbara Kelly (Keele University, Royaume-Uni), Federico Lazzaro (Université d’Ottawa, Canada), Cécile Quesney (FNSR, Belgique), Emmanuel Reibel (Université Lumière Lyon 2, France)

Voir la publication des actes dans la Revue musicale OICRM, vol. 7, n° 1, avril 2020.