Elisa PUNTARELLO « Le Républicain de Juillet : anamorphoses littéraires d’un type politique (1830-1848) »
Jury :
Olivier BARA, Professeur des universités, Université Lumière Lyon 2 (Directeur de thèse)
Xavier BOURDENET, Professeur des universités, Université Rennes 2 (Rapporteur)
Paola PERAZZOLO, Professoressa associata, Università di Verona (Examinatrice)
Paule PETITIER, Professeure émérite, Université Paris Cité (Examinatrice)
Agnese SILVESTRI, Professoressa ordinaria, Università di Salerno (Directrice de thèse)
Francesco SPANDRI, Professore ordinario, Università Roma Tre (Examinateur)
Jean-Claude YON, Professeur des universités, École Pratique des Hautes Études (Rapporteur)
Résumé de la thèse :
La présente étude se fonde sur l’hypothèse selon laquelle, dans le discours social et littéraire de la monarchie de Juillet (1830-1848), le républicain se voit attribuer des caractéristiques reconnaissables et récurrentes qui font de ce personnage un type et, plus précisément, un type littéraire – que nous désignons par le syntagme « Républicain de Juillet ».
Au lendemain des Trois Glorieuses, le mouvement républicain s’affirme comme l’un des principaux courants d’opposition au régime de Louis-Philippe d’Orléans. Profitant d’une période de relative liberté d’expression qui se prolonge jusqu’aux lois de septembre 1835, les républicains exercent une intense activité de propagande qui passe surtout par la presse. Les tentatives d’insurrection, animées ou soutenues par les partisans les plus radicaux du mouvement, s’enchaînent. Les nombreux procès intentés aux républicains – insurgés ou soi disant tels, caricaturistes et directeurs de journaux – contribuent à l’exposition médiatique considérable dont ces opposants font l’objet.
Le républicain est ainsi bien ancré dans l’imaginaire de la période. Des auteurs aussi divers que Balzac et Sand, Stendhal et Musset, Hugo et Nerval – pour ne citer que les noms les plus retentissants de notre corpus – peuplent leurs univers de fiction de personnages républicains. Souvent, les œuvres de l’époque ne reprennent le type que pour le soumettre à une relecture critique. Afin de saisir l’originalité de ces réinterprétations, il est indispensable de retracer l’émergence du type à la croisée de plusieurs genres discursifs et littéraires différents. Ainsi notre corpus inclut-il des pamphlets, des articles de journal, des discours politiques, des comptes rendus judiciaires et des sources iconographiques diverses. Concernant le corpus littéraire, les genres sont privilégiés qui font au personnage une place de premier plan : la physiologie, le roman, le théâtre – des pièces de circonstance aux drames de l’école romantique. Au sein de cet ensemble hétérogène – y compris en termes de légitimité littéraire –, les différents positionnements idéologiques et esthétiques des autrices et des auteurs, ainsi que les spécificités inhérentes à chaque genre sont opportunément mis en valeur.
Pour interroger la construction sociale et littéraire du type de l’opposant républicain, ainsi que les relectures et les réinterprétations dont il fait l’objet, la perspective sociocritique a été retenue, qui postule la socialité intrinsèque du texte littéraire, tout en mettant en avant la productivité symbolique de la littérature et sa manière propre de faire sens, grâce à son travail sur la langue et sur les formes.
Sous Louis-Philippe, la littérature contribue à forger et à modifier l’imaginaire social sur le républicain en adhérant aux – ou, à l’inverse, en s’écartant des – représentations ayant cours dans la période. Par leurs modalités d’expression propres, les textes littéraires jouent un rôle majeur dans les débats politiques, esthétiques et idéologiques qui précèdent et « préparent » la révolution de 1848.
Abstract :
The study is based on the hypothesis that, in the social and literary discourse of the July Monarchy (1830-1848), the Republican was attributed recognizable and recurring features that made this character a type and, more specifically, a literary type – which we call the “Républicain de Juillet”.
In the aftermath of the Three Glorious Days, Republicans established themselves as major political opponents to King Louis-Philippe d’Orléans. Taking advantage of a period of relative freedom of expression that lasted until the September Laws (1835), Republicans engaged in intense propaganda activity, primarily through the press. Insurrection attempts, led or supported by the most radical partisans of the movement, were numerous. Several trials brought against Republicans – insurgents or alleged insurgents, caricaturists, and newspaper editors – contributed to the considerable media exposure experienced by these opponents.
The Republican is thus well anchored in the social imagination of the period. Republican characters are numerous in fictional works by Balzac, Sand, Stendhal, Musset, Hugo and Nerval – to name only the most well-known authors in our corpus. Literary texts of the time often took up the type only to subject it to a critical rereading. To seize the originality of such reinterpretations, it is essential to trace the emergence of the type at the intersection of several different discursive and literary genres. Thus, our corpus includes pamphlets, newspaper articles, political speeches, judicial reports, and various iconographic sources. Regarding the literary corpus, the genres that give characters a prominent place are favoured : “physiologies”, novels and theatrical pieces – the so called “théâtre de circonstance” as well as Romantic drama. Within this heterogeneous set, the various ideological and aesthetic positions of the authors are aptly highlighted, and so are the peculiarities inherent to each genre.
To examine the social and literary construction of this type, as well as the rereadings and reinterpretations to which it is subjected, the sociocritical perspective has been adopted, which posits the intrinsic sociality of literary texts while highlighting the symbolic productivity of literature and its unique way of making meaning through its work on language and forms.
During the July Monarchy, literature contributed to shaping and modifying the social imagination of the Republican by adhering to – or, conversely, by deviating from – shared representations. Through their own modes of expression, literary texts played a major role in the political, aesthetic, and ideological debates that preceded and “prepared” the French Revolution of 1848.