Esclandre
Contact : Donatella BISCONTI
Université Clermont Auvergne – IHRIM – Università degli Studi di Macerata
Regards croisés n° 3
Dès le début, l’emploi du mot esclandre est amphibolique : d’un côté, il indique le comportement immoral qui suscite l’émoi de ceux qui assistent à un spectacle reprochable ; de l’autre, il fait référence à tout acte relevant d’une agressivité recherchée, afin de brouiller les pistes. Littré cite l’exemple suivant de Jean Froissart (XIVe siècle) : Et tous ces appareils et l’esclandre qui s’en faisoit estoient pour retraire hors le duc de Lancastre et sa route du royaume de Castille (II, III, 40).
Cette ambiguïté remonte probablement à l’étymologie même du mot, σκάνδαλον /’skandalon/, qui signifie l’obstacle ou le piège (au sens matériel comme au figuré) posé pour faire tomber son rival ou sa proie. Le sens de scandale – ce qui suscite réprobation – est postérieur, mais le terme garde toujours l’aspect d’attaque ou de provocation insidieuse qu’il avait au début. En latin aussi, le sens originel est celui d’obstacle contre lequel on bute, de quelque chose qui s’interpose sur notre chemin.
En italien, comme en latin et en français, scandalo indique tout d’abord ce qui fait obstacle, qui nous empêche de procéder ou qui nous fait tomber. Sur le plan spirituel, scandalo est l’obstacle posé expressément pour faire tomber quelqu’un, pour l’induire au péché. Le scandale a donc un côté ’actif’ – adopter un comportement qui nuit à autrui, le poussant à pêcher – et un côté ’passif’ – le fait de se scandaliser, de s’indigner, ce qui est également un péché, puisque celui qui est innocent ne voit pas le mal partout. On peut rappeler à ce sujet que dans l’Evangile de Mathieu (7, 1-23), les pharisiens accusent le Christ de ne pas respecter la tradition d’un point de vue éminemment formel et se scandalisent lorsqu’il réplique que ce sont eux qui ont hypocritement manipulé les commandements de Dieu.
Le colloque Esclandre/Scandalo, dont les contributions seront réunies dans le n° 3 de la collection Regards croisés, entend explorer les différentes facettes d’esclandre/scandalo dans la littérature et les arts, en France comme en Italie, depuis le Moyen Age jusqu’à l’âge contemporain. Qu’est-ce que l’esclandre dans la représentation artistique ? Ce n’est pas simplement faire étalage de comportements non admis par la morale courante ou mettre en scène l’obscénité ; il s’agit plutôt de briser consciemment certains ’tabous’ relevant de conventions dans le domaine des genres pratiqués, des canons établis. Si l’esclandre est un objet auquel on se heurte, on peut classer sous cette notion toute provocation visant à remettre en question les stéréotypes culturels et sociologiques, les techniques rhétoriques, le principe d’imitation et l’idée même de la finalité de toute création artistique : il s’agira alors du sens actif du mot. D’un autre côté, l’esclandre est aussi la résistance aveugle ou hypocrite contre toute forme de modification, de changement qui pourrait ébranler le statut de monopole culturel, littéraire, idéologique, politique, de groupes ou d’individus : ce sera alors le sens passif qui sera exploré (le fait d’être scandalisé).
Comité scientifique/Comitato scientifico
Donatella BISCONTI(UCA – IHRIM)
Daniela FABIANI (Università di Macerata – Dipartimento di Studi Umanistici,Sezione SLAM - Lingue Antiche e Moderne)
Luca PIERDOMINICI (Università di Macerata – Dipartimento di Scienze della Formazione, dei Beni culturali e del Turismo, Sezione PSL – Persona, Società e Linguaggi)
Cristina SCHIAVONE (Università di Macerata – Dipartimento di Studi Umanistici,Sezione SLAM - Lingue Antiche e Moderne)