Jean-François Marmontel (1723-1799) Bilan et nouvelles perspectives critiques


Organisation : Université Bordeaux Montaigne (Laboratoire CEREC-Plurielles) et Université Toulouse-Jean Jaurès (Laboratoire PLH-ELH - EA 4601) avec le soutien scientifique de l’IHRIM UMR 5317 - Université de Lyon / Université Jean Monnet (Saint-Étienne)

En 1999 eut lieu à Clermont-Ferrand, à l’occasion du bicentenaire de la mort de Jean-François Marmontel, un colloque international, sous la houlette de Jacques Wagner, qui mena aussi les participants sur les lieux de sa naissance, à Bort-les Orgues, et sur ceux de sa formation initiale, à Mauriac, où l’écrivain fut élève du collège des jésuites. Pourtant, quelques années plus tôt, en 1994, la maison Gallimard, publiant trois de ses contes moraux, constatait avec amertume leur oubli, alors qu’ils avaient eu tant de succès en leur temps. Cet auteur polygraphe dont les œuvres avaient en effet connu dès leur publication un retentissement remarquable dans l’ensemble de l’Europe « ne mérite sans doute pas le mépris dans lequel sa mémoire est tombée », comme l’écrit Guy Chaussinand-Nogaret dans la récente biographie qu’il lui consacre (Marmontel, le philosophe qui chantait Cythère, L’Harmattan, 2017, p. 12).
Les organisateurs de ce colloque proposent, à leur tour, en cette année du tricentenaire de sa naissance (11 juillet 1723), de se faire passeurs de sa mémoire, de ses valeurs, de sa langue, en fin de compte de la culture et du patrimoine littéraire que ce disciple de Voltaire nous a laissés en héritage.
Quel souvenir avons-nous de cet « intellectuel exemplaire » du siècle des Lumières depuis 1999 ? L’« affaire » Bélisaire, Les Incas ne seraient-elles pas devenues œuvres mortes ? Ces récits, empreints de philosophie, mais aussi les Contes moraux et les Mémoires, ne lasseraient-ils pas, par leur morale d’un autre siècle, les lecteurs d’un temps où les valeurs des Lumières perdent chaque jour davantage de leur sens ? Ou peut-on supposer, à l’inverse, que le conteur moraliste, le mémorialiste, l’auteur des Éléments de littérature continuerait à intéresser lecteurs et chercheurs ? Aurait-il séduit même de jeunes chercheurs au point qu’ils deviendront peut-être les futurs spécialistes de l’œuvre marmontélien ? Bref, le lien entre « Marmontel et nous », pour reprendre René Pomeau, est-il encore vivace ?
La réponse se trouve dans les maisons d’édition, et les lecteurs de cet appel ne seront pas surpris d’observer que l’un des organisateurs de ce colloque soit ici nommé. En effet, entre 2016 et 2019, Pierino Gallo a présenté et édité certains contes moraux en deux ouvrages séparés, mais on lui doit surtout l’édition de ce monument qu’est le texte des Incas (STFM, 2016) récit au sujet duquel le chercheur a proposé il y a peu une étude collective, au titre de (Re)lire les Incas (Presses Universitaires Blaise Pascal, 2019). On ne saurait omettre la publication récente en deux volumes de la thèse de Monique Delhoume-Sanciaud, Les Incas ou la destruction du l’Empire du Pérou de Jean-François Marmontel, le regard d’un homme du dix-huitième siècle sur le Nouveau-Monde, sa conquête et son évangélisation (Champion, 2017).
Ces travaux, auxquels se joignent encore nombre d’articles, dont certains de la main des deux organisatrices du colloque, se situent dans le sillage d’un véritable regain d’intérêt pour l’écrivain bortois, qui – renouvelant le premier pic de curiosité des années 1965-1970 imputable à Jean Ehrard – remonte aux années 2000 : rappelons par exemple les premiers ouvrages fondateurs : sous la direction de John Renwick, Jean-François Marmontel (1723-1799) : dix études (Champion, 2001) et sous celle de Jacques Wagner, Jean-François Marmontel : un intellectuel exemplaire au siècle des Lumières (actes du colloque de 1999, publiés en 2003). Sous la direction de ce dernier, souvenons-nous aussi de l’ouvrage intitulé Marmontel, une rhétorique de l’apaisement (Peeters, 2003), auquel on peut ajouter l’édition des Éléments de littérature (Desjonquères, 2005) procurée par Sophie Lefay et celle des Mémoires (Champion, 2008), due à John Renwick.
Une telle production en une vingtaine d’années n’est-elle pas revigorante ? Marmontel ne gît donc pas – totalement – dans les méandres de vieilles mémoires et sur les rayonnages de bibliothèques vétustes. Ce constat est peut-être déjà un élément suffisamment pertinent pour justifier la tenue d’un colloque lors du tricentenaire.
Pour autant, résident d’autres questionnements. Dans quelle mesure l’œuvre de Marmontel est-elle susceptible d’intéresser un public d’étudiants ne se destinant pas à l’enseignement et/ou à la recherche ? Comment le message de cet héritier de la morale et de l’esthétique classique de Fénelon, qui diffusa en les interrogeant les principes pédagogiques rousseauistes, peut-il encore séduire ? Contient-il des enseignements universels ? Quelle résonance peuvent avoir par exemple les Contes moraux dans l’esprit d’un lecteur du XXIe siècle ? Le roman « pédagogique » lui-même, Bélisaire, serait-il susceptible d’enseigner encore la tolérance dans les temps troublés que nous traversons ? Quel est, finalement, l’intérêt d’étudier l’œuvre aujourd’hui ? Peut-on parler d’une actualité de Marmontel ?
Il s’agirait là d’une première piste de travail. Une seconde pourrait être consacrée à un Marmontel « régional » et de fait au jeune Marmontel (on connaît, par exemple, les liens entre Marmontel et Berquin, auteur bordelais, collaborateur au Mercure de France, auteur entre autres d’un périodique destiné aux enfants et aux adolescents : L’Ami des enfants, L’Ami des adolescents). Avant de « monter » à Paris à l’invitation de Voltaire, Marmontel quitte Clermont pour Toulouse, où il demeure du mois de septembre 1741 au mois de novembre 1745. Au printemps 1760, la publication de ses contes moraux et leur succès lui offrant l’aisance financière, il retourne dans le Sud-Ouest, découvre d’abord Bordeaux, « ce beau port et cette ville opulente » dont la visite est « l’un des rêves de [s]a vie » (Mémoires, éd. Renwick, Champion, 2008, L. VII, p. 424), puis Toulouse qu’il reconnaît à peine, tant « l’habitude de voir Paris la rapetissait à [s]es yeux » (ibid., p. 429).
La région Ouest choisie comme lieu du colloque procure, qui plus est, l’occasion de revenir sur les essais poétiques de celui qui une fois « chez les Gascons, début[a] par une gasconnade » (ibid., L. II, p. 180). Le témoignage que donne du jeune Jean-François le secrétaire perpétuel de l’Académie des Jeux floraux en 1815 (in Mémoire pour servir à l’Histoire des Jeux floraux), bien peu aimable, est-il justifié ? Y aurait-il d’autres traces de la vie de Marmontel à Toulouse, mais aussi à Bordeaux où il séjourna quelques semaines et dans les diverses villes occitanes qu’il visita ? On pourra aussi revenir sur l’Auvergne natale de celui qui la quitta à dos de mulet jusqu’à Toulouse ; observer éventuellement le lien entre sa formation intellectuelle et l’œuvre ; se demander quels souvenirs la Corrèze aurait gardés de l’écrivain.
D’autres axes sont bien sûr envisageables. Les textes marmontéliens posent en effet nombre de questions d’ordre poétique, philosophique, politique, mais aussi esthétique. Leur réception et leurs traductions en Europe offrent un autre terrain d’étude intéressant à explorer. Enfin, ce colloque pourrait être l’occasion de s’interroger sur les réseaux que Marmontel a su tisser, tant en France qu’en Europe, convaincu qu’il était que la lutte contre les préjugés et les superstitions passe par une très large diffusion du savoir et de l’esprit critique dans l’espace public.

Les propositions de communication sont à adresser simultanément à :
Helene CUSSAC ; Magali FOURGNAUD ; Pierino GALLO
Merci d’inclure dans votre fichier une brève bio-bibliographie, indiquant notamment votre statut ainsi que votre université et unité de rattachement.
Date limite : 30 août 2021


Responsables : Hélène CUSSAC, Magali FOURGNAUD et Pierino GALLO

Comité scientifique :
Christelle BAHIER-PORTE (Université Jean Monnet-Saint-Étienne)
Aurélia GAILLARD (Université Bordeaux-Montaigne)
Gianni IOTTI (Université de Pise)
Christophe MARTIN (Université Paris-Sorbonne)
Jean MONDOT (Université Bordeaux-Montaigne)
Stéphane PUJOL (Université Toulouse-Jean Jaurès)
Catriona SETH (Université d’Oxford et Université de Lorraine)