L’indiscipline dramaturgique. Territoires de la dramaturgie


Responsables :
Anne Pellois et Olivier Neveux (IHRIM – UMR5317 – Ens de Lyon)

Avec le soutien de l’IHRIM, Ens de Lyon, Département lettres et arts, parcours "dramaturgies" du master des arts de la scène.

« On m’appelle le dramaturge, mais je ne sais pas vraiment ce que je suis, ni si les autres dramaturges font le même métier que moi ». Voici comment Joseph Danan ne définit pas, dans Qu’est-ce que le théâtre ? (Biet et Triau) la figure du dramaturge. C’est là une difficulté récurrente : les contours d’une telle fonction ne se laissent pas facilement identifier. La liste est longue qui vise d’ailleurs à la définir : tour à tour conseiller littéraire ou artistique (M. Bataillon), « grosse oreille » (M. Stuart), « œil extérieur », estomac, chercheur, « homme des notes de bas de page » (J. Danan), traducteur, passeur, confident, répétiteur, « flic du sens » (A. Vitez). Nombreuses sont également les tentatives qui tentent de décrire le « travail » ou la « démarche » plus que le dramaturge, voire cherchent à identifier, tel Bernard Dort, l’« état d’esprit dramaturgique », formule qui permet d’éviter toute cristallisation sur une personne et sur un type d’activité.

Ce colloque entend moins s’interroger sur l’identité du dramaturge ou les contours de son activité, que sur les formes et les modalités que prend ce travail. Jean Jourdheuil a proposé la métaphore du cambriolage. Il s’agit de prendre cette hypothèse au sérieux. Et si ce « roi sans pays » (C. Marthaler)
était en fait de tous les territoires ? La question est bien celle de « l’indiscipline », de la façon dont la dramaturgie mobilise, convoque, traverse, emprunte, mêle, colle des champs disciplinaires distincts — du champ de l’art à celui des sciences humaines et des sciences exactes. L’indiscipline se distingue tout autant d’une perspective pluri-disciplinaire qui superposerait des savoirs, comme autant de cautions scientifiques ou érudites pour le spectacle à venir, que d’une démarche inter-disciplinaire, tant la scène conditionne et aimante toute autre discipline.

Aborder la dramaturgie comme geste indiscipliné n’a pas pour objectif de la parer d’une quelconque subversion systématique ni, par ailleurs, d’opposer à la « rigueur » des un.es la désinvolture des spécialistes de tout, encore qu’il faille s’interroger sur ce qui différencie l’indiscipliné de l’amateur et de l’érudit. Il s’agit par cette proposition de tenter de rendre compte de la singularité d’une pratique déterminée par l’horizon scénique (ses nécessités et ses particularités), organiquement liée à un processus de création. En quelque sorte : interroger moins la place du dramaturge que la façon dont chacun.e travaille et le type de « savoir » singulier qui les mobilise concrètement et les justifie.

Le colloque qui rassemblera praticiens et théoriciens a pour dessein d’explorer cette hypothèse, de l’amender, de la construire. Il prendra pour objet des expériences concrètes de travail dramaturgique, rapportées par celles et ceux qui les ont menées, ou étudiées suivant des angles esthétiques, historiques, politiques, épistémologiques par des chercheur.es. Seront privilégiées les expériences qui convoquent notamment des champs disciplinaires distincts de celui des arts de la scène, afin de déterminer les apports singuliers provoqués par ces emprunts — tout autant que leurs éventuels dangers ou limites. Qu’en est-il des rapports entre savoir(s), connaissance(s), épistémologie et création théâtrale ? Comment penser l’« impropre » de la démarche dramaturgique et les enjeux qui le sous-tendent ? Il s’agira en outre de repérer dans quelle mesure et selon quel mode spécifique les outils méthodologiques d’un champ peuvent s’adapter à la scène.

Les questionnements suivants pourront guider les propositions d’interventions :

 Historicité de l’indiscipline. « L’indiscipline » dramaturgique a-t-elle suscité ou nourrit-elle des réserves ou des objections ? Peut-on repérer des suprématies ou des hégémonies disciplinaires
à certaines périodes de l’histoire de la dramaturgie ? Quelles en furent les conséquences pour les œuvres et pour la pratique dramaturgique elle-même ? Et comment envisager ou caractériser, en regard, notre présent ?
 Actualité de l’indiscipline. Les formes contemporaines que prend la dramaturgie ont-elles recours à de nouveaux champs disciplinaires, ou des études (studies) d’objets auparavant ignorés ? La réception dramaturgique des œuvres contemporaines (leur analyse), nécessite-t- elle le recours à des champs disciplinaires nouveaux ? La notion d’« indiscipline » est-elle adéquate aux pratiques dramaturgiques contemporaine ?
 (Se) former à l’indiscipline. Comment transmettre l’indiscipline ? Quelles en seraient les préventions éthiques, politiques voire scientifiques ? L’indiscipline dramaturgique a-t-elle des incidences sur la constitution du champ des études théâtrales ?

Date du colloque : 25-27 mars 2019.
Les propositions de communication sont à envoyer avant le 1er octobre 2018 à Olivier Neveux et Anne Pellois
300 mots max. Elles doivent être accompagnées d’une présentation succincte de l’auteur.


Comité scientifique :
Leïla Adham, Université de Poitiers
Catherine Ailloud-Nicolas, Université Lyon 1
Anne-Françoise Benhamou, Ens
Marion Boudier, Université d’Amiens
Enzo Cormann, Ensatt
Joseph Danan, Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3
Sylvain Diaz, Université de Strasbourg
Mireille Losco-Lena, Ensatt
Olivier Neveux, Ens de Lyon
Anne Pellois, Ens de Lyon
Julie Sermon, Université Lyon 2
Christophe Triau, Université Paris Ouest - Nanterre