L’opéra-comique et ses produits


Organisation et contacts : Marie DEMEILLIEZ (Univ. Grenoble Alpes) et Thomas SOURY (Univ. Lumière Lyon 2)

Herbert SCHNEIDER (université de Heidelberg) : « Les publications d’airs vocaux d’opéra-comique : genres, destinataires et qualité »
La communication concernera des éditions d’« airs » et d’ensembles publiées, avec ou sans indication d’éditeur, parues en série, ou en une sorte d’annuaire – avec un corpus d’airs de différentes provenances – ou consacrées à une œuvre particulière. La base de cette communication est une recherche bibliographique poussée. En tant que collectionneur, Herbert Schneider présentera des sources imprimées qu’on ne trouve pas dans les bibliothèques publiques.
Les comparaisons des éditions in 8° des airs et duos d’opéras et d’opéras-comiques avec la partition d’orchestre fournissent quantité d’éclaircissements sur la question des convenances dans la publication de la musique, sur la manière de présenter ces morceaux et sur le public qui les achetait.

Marie-Cécile SCHANG (université de Bretagne-sud, HCTI) : « Nina ou La Folle par amour et ses produits dérivés : réflexions sur un phénomène de mode.
Nina ou la Folle par amour, comédie mêlée d’ariettes de Marsollier et Dalayrac, connaît en 1786 un succès retentissant, qui tient d’abord à l’intensité de l’émotion suscitée par le personnage de Nina. La pièce inspire des parodies, comme Nani ou la folle de village, qui illustre à la fois le succès de la comédie de Marsollier et Dalayrac, et le retour en force des vaudevilles dans les années 1780 à la Comédie-Italienne. D’autres parodies, un ballet pantomime créé en 1813, un opéra italien de Paisiello intitulé Nina ossia la pazza per amore (1789), un autre opéra de Pietro Antonio Coppola (1835) qui fait retour en français sous le nouveau titre d’Eva (cas de « rétro-traduction » mentionné par Michel Delon), mais aussi un grand nombre de textes dont l’héroïne perd la raison, attestent le succès de Nina durant les décennies qui suivent sa création.
Les produits dérivés qui témoignent de ce succès sont loin d’être exclusivement dramatiques. Dès 1786, l’enthousiasme suscité par Nina se répercute au-delà de la salle de spectacle, dans la vie même des spectatrices : « la mode s’empara du nom de la pauvre folle : il y eut des coiffures à la Nina, des manteaux à la Nina, ce fut un délire, une frénésie » (Thurner). L’engouement pour le personnage est indissociable d’un engouement pour son interprète, Madame Dugazon, dont l’image se confond avec celle de l’héroïne, comme le montrent les gravures et peintures représentant l’actrice dans le rôle de Nina, notamment sous le pinceau d’Elisabeth Vigée-Lebrun. Ces œuvres picturales représentent toutes Nina sur son banc, chantant sa romance « Quand le Bien-Aimé reviendra », ce qui souligne un triple succès : celui du personnage, celui de l’actrice, et celui d’une romance qui prend son indépendance à l’égard de la pièce dont elle est issue, et qui fait l’objet d’éditions séparées. La fortune de cette romance est telle que des personnages de romans la chantent aussi. À la fin du roman Aline et Valcour, l’héroïne de Sade improvise en s’accompagnant de sa guitare une romance sur l’air de la « Romance de Nina », qui est devenu un timbre.
La comédie mêlée d’ariettes du XVIIIe siècle, avec ses romances exprimant dans un cadre pastoral la nostalgie d’un paradis perdu, devient au XIXe siècle un objet de dégoût pour Jules Janin, qui réécrit l’histoire de Nina dans un registre âprement réaliste, et un objet de nostalgie pour Verlaine et Rimbaud, qui chantent la beauté surannée d’une poésie perdue. En ce sens, on peut lire « Les reparties de Nina » de Rimbaud comme un produit dérivé de la comédie de 1786 : dialogue en vers dans lequel Nina apparaît désormais comme étrangère à elle-même, ce poème est en quelque sorte le produit dérivé d’une transformation de la comédie de 1786, dans une société gouvernée par les bourgeois et par la prose.
Il s’agira de montrer en quoi les nombreux « produits dérivés » de Nina ou la Folle par amour mettent en lumière à la fois le fonctionnement dramaturgique de la comédie mêlée d’ariettes, certains aspects du fonctionnement de la vie théâtrale au tournant du XVIIIe siècle, et la réception complexe de la comédie d’Ancien Régime après la Révolution.


Dès le début de son histoire, l’opéra français suscite la fabrication et la diffusion de nombreux objets, parallèlement aux représentations de l’Académie royale de musique : morceaux choisis d’airs à chanter ou à jouer, arrangements et transcriptions font la joie des amateurs de musique, tout en représentant d’intéressantes opportunités commerciales pour les éditeurs, arrangeurs et copistes. Parodies profanes et spirituelles donnent une nouvelle vie à de nombreux fragments d’opéras. Estampes ou gravures conservent et diffusent le souvenir visuel des spectacles. 
Cette importance des produits dérivés reste encore peu étudiée pour les xviie et xviiie siècles. Elle soulève diverses questions que les différentes séances de ce séminaire envisageront tour à tour, qu’il s’agisse de la fabrication, de la diffusion et des usages de ces produits : pratiques musicales et éditoriales, sélections des extraits choisis, lieux et pratiques de ce répertoire, questions de droit d’auteur.

Informations pratiques
Les six séances du séminaire se tiendront alternativement à l’université Grenoble Alpes et à l’université Lumière Lyon 2 : à chaque fois, deux intervenants présenteront une communication sur une thématique partagée, devant un public d’étudiants et de collègues intéressés. Toutes les séances seront retransmises en visio-conférence (liens zoom disponibles sur le site de l’IHRIM les jours précédents, ou sur demande).

Lieux
Grenoble : UGA, Maison des langues et des cultures, salle Jacques Cartier, Domaine Universitaire de Grenoble
Lyon : Univ. Lumière Lyon 2, département de musicologie, 3 rue Rachais, 69003 Lyon