Les Temps de l’anticipation
Organisé par Claire Barel-Moisan, Christèle Couleau, Hugues Chabot, Matthieu Letourneux, Sarah Mombert, Émilie Pézard, Valérie Stiénon.
Les lecteurs contemporains ont l’habitude d’associer la littérature d’anticipation au principe d’une expérience originale du temps, qu’il s’agisse de projeter des personnages dans le futur, de dévoiler des sociétés imaginaires archaïques ou plus avancées que les nôtres, ou de dessiner l’avenir des progrès des sciences et des technologies. De fait, ces thèmes sont constamment mobilisés par les récits d’anticipation. Mais pour saisir véritablement les enjeux qu’ils soulèvent, il importe de recontextualiser ce rapport au temps, indissociable de son insertion dans la presse et la culture médiatique contemporaine. Cette production romanesque s’inscrit par ailleurs dans le cadre plus large d’un changement de paradigme anthropologique, social et psychologique, caractéristique du régime moderne d’historicité.
Même lorsque le décalage temporel ne s’actualise pas par un bouleversement complet de la représentation, mais se joue par exemple dans le secret du laboratoire avec l’invention de technologies nouvelles découpant un îlot de futur dans la trame ordinaire des jours, le récit d’anticipation présente une temporalité innovante qui amène le lecteur à réfléchir sur son présent : la projection vers l’avenir n’empêche pas un « présento-centrisme ». Avec le recul du temps, le lecteur actuel est aussi amené à porter un autre regard sur ces textes, envisagés comme des « rétrofictions » dont le futur peut nous apparaître daté, davantage porteuses d’un imaginaire passé que d’un avenir encore envisageable. On pourra s’interroger sur les lectures contemporaines du récit d’anticipation, pour se demander en quoi nos représentations du futur ont évolué, et dans quelle mesure elles croisent aujourd’hui encore la lignée de l’anticipation.
Comité scientifique :
Éric Bordas, Jean-François Chassay, François Kerlouégan, Guillaume Pinson, Marie-Ève Thérenty.