Marie-Frédérique PELLEGRIN « Que pense le corps féminin ? Femmes objets et femmes sujets de la philosophie à l’époque moderne. »


coll. « La croisée des chemins »
Lyon, ENS éditions
15 octobre 2020, 450 p.
ISBN 979-10-362-0246-9
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Dans le cadre du séminaire Sexe et genre
Marie-Frédérique PELLEGRIN : maitresse de conférence HDR, faculté de Philosophie, université Jean Moulin Lyon 3

Les différences entre les sexes constituent une question qui a toujours intéressée la philosophie. Aborder ce thème est nécessaire pour former une anthropologie complète et les philosophes s’aident ici de la médecine ou de la théologie pour proposer un discours sur ces différences. Il nous semble cependant qu’il se passe à l’époque moderne quelque chose de neuf en ce domaine avec l’avènement du cartésianisme. Jusque-là, les modèles pour penser ces différences suivent deux grandes options théoriques. Soit les femmes sont pensées comme des hommes inversés (voir la médecine renaissante étudiée par Laqueur) ; soit il s’agit d’accentuer le plus possible ces différences, distinguant presque une nature masculine et une nature féminine (voir l’anthropologie du médecin et philosophe Cureau de la Chambre). Dans les deux cas, le modèle type de la perfection est l’homme. Descartes (1596-1650) propose une autre option qu’on pourrait définir comme à la fois égalitariste et indifférencialiste. Il pense une neutralité de sexe et de genre qui aura des conséquences importantes dans le champ des études féministes. Notre hypothèse est que ces réflexions cartésiennes initient une nouvelle manière de penser l’égalité des sexes
Il faut tout d’abord montrer le paradoxe de cette thèse chez un auteur qui ne s’intéresse apparemment pas aux femmes en tant qu’objets philosophiques. On verra que c’est en les instituant comme sujets qu’il modifie leur perception comme objets. Il faut ensuite montrer la diversité des réceptions de ces thèses cartésiennes et j’opposerai ici Malebranche (1630-1715) et Poulain de la Barre (1647-1723). On mettra enfin en valeur des portraits de femmes chez les auteurs modernes qui nous paraissent caractéristiques de différentes manières de penser les sexes à cette époque. Toutes ces réflexions mettent en valeur un fait philosophique majeur : nous pensons presque toujours avec notre corps, c’est-à-dire avec notre imagination. Ainsi est-il essentiel de comprendre l’influence du sexe et du genre sur le corps pour savoir s’il existe des manières différentes de penser selon qu’on est femme ou homme. Dans cette enquête, le corps enceint offre un matériau de choix pour réfléchir aux pensées du corps .
Pour en savoir plus

Publications :

Marie-Frédérique PELLEGRIN, Pensées du corps et différences des sexes à l’époque moderne, coll. « La croisée des chemins », Lyon, ENS Éditions, 2020.


Souvent éludée par l’histoire de la philosophie, la question philosophique et médicale de la différence des sexes est fondamentale à l’époque moderne. Les modèles pour penser cette différence proviennent essentiellement de deux anthropologies opposées : celle de Descartes et celle de Cureau de la Chambre. Leurs sciences de l’être humain examinent tout d’abord les interactions entre corps et esprit, mais elles mettent surtout en valeur les pensées propres du corps par le biais de l’imagination. C’est à même le corps que se décide si femmes et hommes sont égaux. Les lectures critiques de ces deux modèles proposées d’un côté par Malebranche et de l’autre par Poulain de la Barre confirment que le xviie siècle constitue un tournant dans l’analyse psycho-physiologique et morale. La confrontation de ces quatre philosophes permet de comprendre comment se sont constituées des lignées théoriques sur sexe et genre qui sont toujours actuelles : celle de l’égalitarisme et celle d’un différencialisme qui peut être inégalitaire ou égalitaire.