La fabrication du diable ou pourquoi a-t-on besoin du diable ?

Actes de la journée publiés aux Presses de l’université de Saint-Étienne

Organisé par :
Christian JÉRÉMIE
Marie-Joëlle LOUISON-LASSABLIÈRE
Yona DUREAU

Cette Journée d’études est destinée à constituer une synthèse diachronique et pluridisciplinaire sur la fabrication du diable. Il ne s’agit pas d’écrire une histoire de la figure diabolique : de nombreux ouvrages ont déjà été publiés sur la question. La démarche souhaitée consistera à cerner les différents usages dévolus au diable, autrement dit sa place dans l’écriture et dans la pensée. Est-il un contradicteur indispensable à la dialectique, une entité abstraite commode pour expliquer l’inexplicable, un personnage associé au fantastique ou une nécessité théologique ?
On s’interrogera sur l’imaginaire qui produit la figure du diable : n’est-il qu’une vue de l’esprit ? L’écriture (voire l’Écriture) suffit-elle à le faire exister ? Jusqu’où le diable est-il le reflet de l’époque qui l’a conçu ? Qui engendre le diable et dans quel but ? Qui y recourt ?

Période concernée : du Moyen Âge au siècle des Lumières.
Espace : l’Europe occidentale.
Champs d’investigation : tous les genres littéraires, les arts, les traités moralistes, les hagiographies, les traités juridiques, les textes historiques, les ouvrages relatifs à l’hermétisme, à la démonologie, au symbolisme.

Pour ouvrir la problématique à toutes les disciplines, nous suggérons les pistes suivantes :

Linguistique :

Quels usages fait-on des différentes appellations du diable (étym. : celui qui divise) : Satan, Belzébuth, Lucifer, le Malin, l’Antéchrist, Méphistophélès, la Bête ?
Quelle place occupe la référence au diable dans les insultes, les jurons (ex. : diantre), les malédictions, les expressions proverbiales, les invocations ?
Inversement, de quelles circonlocutions use-t-on pour éviter de prononcer son nom ?
Quelles créations verbales la référence au diable a-t-elle suscitées ?
Quelles définitions du diable les dictionnaires donnent-ils ?

Morale/théologie :

Le diable n’est-il que le double inversé de Dieu ?
Comment est-il défini et expliqué dans les catéchismes catholiques, protestants et jansénistes ?
Y a-t-il un ‘a-diabolisme‘, une négation de l’existence du diable, comme il existe un athéisme ?
À quoi sert le diable dans la pensée moraliste ? Quel lien a-t-on établi entre diable et tentation ?
Le démiurge de la Gnose survit-il comme entité maléfique ?
Quel rôle l’Église a-t-elle attribué au diable dans sa lutte contre l’hermétisme ?

Littérature et arts :

On s’intéressera aux représentations du diable dans tous leurs aspects :
 son animalité : cornes, griffes, queue, serpent, dragon, bouc...
 ses suppôts : diablotins et autres...
 son anthropomorphisme : son âge, sa race, son sexe (existe-t-il une version féminine du diable ?)
On analysera son rôle en littérature : est-il un mythe, une allégorie, un personnage à part entière ?
Est-il systématiquement lié au genre fantastique ? au registre comique : le rire est-il perçu comme diabolique ?
Comment s’établit le rapport de force avec l’homme dans les textes littéraires : il conviendra d’évoquer le triomphe de l’un sur l’autre (les figures de saints qui ont terrassé la diable : saint Michel, saint Georges).

Philosophie :

Diable et inconscient : la pulsion est-elle diabolique ?
Le diable est censé manipuler la volonté humaine : quelle part les philosophes laissent-ils à la liberté et à la responsabilité humaine dans les actes qui sont supposés inspirés par le diable ?
Les phénomènes paranormaux : le diable explique-t-il l’anormalité ? En est-il la cause ? N’est-il qu’une variable d’ajustement pour justifier les dérives humaines ?
Le diable est censé être menteur : comment se définit le mensonge ? Par rapport à quelle vérité ?
Dans la lutte contre la superstition et l’obscurantisme, comment le diable est-il désigné ?
Diable et spéculation hermétique : le diable vu par Marsile Ficin ou Pic de La Mirandole.

Sociologie/histoire :

La peur du diable : comment et dans quels buts cette peur est-elle récupérée, voire entretenue par la société ?
Les liens entre diable et sorcellerie, magie noire. Les pratiques diaboliques (sabbat) ou au contraire les exorcismes.
Diable et sexualité : la lubricité est-elle forcément diabolique ?
Le diable et l’argent : « payer sa part au diable » mais aussi « vendre [son âme] au diable ».
Apparitions et mystifications diaboliques : la naissance de légendes, de toponymes (Pont du diable, Saut du diable, Rocher du diable... ), de formules cryptées transmises dans le secret.
Les sociétés secrètes ou sectes à caractère diabolique.
Les ennemis ou les étrangers vus comme des diables.

Symbolisme :

On étudiera le sens et l’usage des symboles liés au diable : la croix renversée, la couleur noire, le feu, le chiffre 666, la nuit, le cercle vicieux, la chute...