Romain HACQUES « L’exigence métaphysique du corps propre dans la philosophie ’’française’’ (1860-1940 »
Jury
Delphine ANTOINE-MAHUT, professeure des universités, ENS de Lyon, directrice de thèse
Kim Sang ONG VAN CUNG, professeure des universités, Université Bordeaux-Montaigne, directrice de thèse
Bernard BAERTSCHI, maître d’enseignement et de recherche, Université de Genève, rapporteur
Federico BOCCACCINI, professeur des universités, Université Fédérale du Pernambuco, rapporteur
Sarah CARVALLO, professeure des universités, Université Claude Bernard Lyon 1, examinatrice
Frédéric KECK, directeur de recherche, EHESS, examinateur
Résumé
Cette thèse montre que le concept de corps propre, tel qu’il apparaît dans les années 1940, s’inscrit dans une longue histoire de la métaphysique au XIXe siècle. Plus précisément, dans les années 1940, la phénoménologie développe un concept de corps propre, qui est un concept possible parmi plusieurs autres. Cette diversité de concepts possibles de corps propre traduit diverses orientations métaphysiques (animistes, spiritualistes et vitalistes). La place du corps se révèle alors être centrale dans les débats métaphysiques qui, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, se nouent entre les philosophes et les scientifiques, les médecins et les psychiatres. En repartant de l’ancrage métaphysique résolu du courant spiritualiste français, nous interrogeons la construction d’un champ de débats méconnus en France, de la deuxième moitié du XIXe siècle jusqu’au début du XXe siècle. Nous aboutissons à trois résultats principaux.
Premièrement, la mise au jour de l’importance des questionnements métaphysiques dans l’articulation des différentes disciplines (philosophie, médecine et aliénisme), mais aussi à l’intérieur du champ philosophique, permet de thématiser une histoire de la discussion entre philosophie et science, dans une perspective inspirée de Canguilhem.
Deuxièmement, la thématisation de l’articulation problématique de figures de la métaphysique classique (essentiellement Malebranche, Spinoza, Berkeley et Leibniz), dans les débats autour du corps propre, avec d’autres figures métaphysiques plus contemporaines de ces débats (en particulier celle de Maine de Biran), met du même chef au jour le rôle décisif de ces figures dans la construction d’un débat transdisciplinaire.
Troisièmement et enfin, l’interrogation sur la pluralité des concepts possibles de corps, et sur les enjeux de leur réminiscence par le travail historique entraîne celle de la fécondité métaphysique de ces concepts et des raisons de leur occultation. Bien plus encore, c’est l’effet-en-retour sur des auteurs et des catégories historiographiques largement mobilisées mais peu interrogées, qui nous semble important. Ce retour montre la fécondité : d’une réintégration de la phénoménologie dans une histoire longue de la métaphysique ; de la mise au jour des résurgences du spiritualisme dans la philosophie contemporaine ; et des redéfinitions du spiritualisme depuis ses interactions avec les sciences positives.
À cette fin, une première partie étudie les débats métaphysiques internes au courant spiritualiste ; la seconde interroge l’articulation entre métaphysique et clinique à la charnière du XXe siècle ; et la troisième envisage l’apparition d’une pluralité de métaphysiques possibles dans les années 1930, dans le sillage de la redécouverte de la philosophie biranienne.
Mots-clefs : Cénesthésie, corps propre, histoire de la philosophie moderne, métaphysique,
phénoménologie, sciences.