Séance 6 : « Dire je : poser la question du genre »


Organisation : Vianney DUBUC et Nicolas MAZEL

Ce sixième rendez-vous sera l’occasion d’interroger la prétendue neutralité du je et de sonder les rapports que ce pronom peut entretenir avec le genre aussi bien dans l’écriture littéraire de soi que dans la pensée philosophique héritée de la French Theory.
Nous écouterons les interventions suivantes :
Adèle PLASSIER-ANGOUJARD (univ. de Tours) :
« Dimension collective d’un je féminin et contemporain : je transpersonnel et je intermédiaire ».
Cette communication s’intéressera à des œuvres contemporaines dans lesquelles les autrices utilisent le pronom personnel je à la fois comme pronom de l’intime et à la fois comme un outil de déploiement de l’expérience personnelle vers une dimension plus collective. Nous nous demanderons quelles sont les modalités et les enjeux de l’émergence de ces formes hybrides, du je transpersonnel d’Annie Ernaux au je intermédiaire adopté par Nathalie Quintane et Gaëlle Obiégly. Il s’agira également de mesurer la portée d’un tel geste littéraire du point de vue du genre : alors que la philosophie occidentale a longtemps considéré le sujet universel comme un sujet masculin, la réappropriation d’une neutralité au féminin semble loin d’être anecdotique.

Romain VIELFAURE (univ. Paris Nanterre) :
« Sujets du désir, sujets du féminisme : le renouvellement de la question du sujet dans les études de genre ».
Cette intervention aura pour but de montrer comment la réception de la critique du sujet opérée en France au cours des années 1960-1970, en particulier autour de Michel Foucault, Jacques Derrida et Louis Althusser, a été centrale dans l’apparition et le développement des études de genre états-uniennes dans les années 1990. Il s’agira tout d’abord de mettre en lumière les raisons épistémologiques pour lesquelles les études de genre ont eu besoin d’une approche renouvelée du sujet, puis, s’appuyant tout particulièrement sur la pensée de Judith Butler et Gayatri Spivak, de tenter de dégager des traits caractéristiques de cette réception, et d’observer leurs conséquences théoriques et pratiques. Quels effets de traduction, de reprise, de détournement de la critique française du sujet, et in fine quelle pensée nouvelle du sujet, sont observables dans les études de genre états-uniennes ?


Ce séminaire est une étude transdisciplinaire et transhistorique de l’expression de la première personne.

Plus qu’une simple question grammaticale, le pronom de première personne soulève des questions de représentations mentales et culturelles. Dire je ne se résume pas à la neutre expression d’un sujet locuteur, il s’agit bel et bien d’introduire dans la langue et le monde les marques d’un point de vue qui modifient le langage et le monde. Ce point de vue dépend de constructions culturelles qui peuvent, elles-mêmes, être situées et décomposées afin d’être décrites.

Ce sujet appelle certainement en premier lieu l’étude linguistique mais convoquent aussi l’expertise de la littérature et de la philosophie.

Sur le site du séminaire (https://direje.hypotheses.org/), des comptes rendus de séances seront édités après chaque rendez-vous.