Le Lys recomposé. La représentation des pouvoirs sous l’Ancien Régime dans la littérature de fiction du XIXe siècle (1800-1850) (Paris)

Lorsque Tocqueville publie L’Ancien Régime et la Révolution en 1856, il insiste sur la méconnaissance que ses contemporains ont de l’Ancien Régime. Si son ouvrage présente bien une nouvelle approche de cette époque, il est néanmoins impossible de considérer Tocqueville comme le découvreur « des opinions et des mœurs » d’une période qui imprègne la pratique du pouvoir mais aussi la littérature postrévolutionnaire. Dumas ne déclare-t-il pas, dans Les Compagnons de Jéhu (1847), « avoir, sur ces cinq siècles et demi, appris à la France autant d’histoire qu’aucun historien » ? Les liens entre littérature et Histoire n’ont en effet jamais été aussi forts qu’au XIXe siècle : des scènes historiques au drame romantique en passant par la tragédie néoclassique ou le roman historique, c’est un « passé recomposé » (Claudie Bernard) que donnent à voir les ouvrages du temps.

La « poétique des morts » (Chateaubriand) qui sous-tend la littérature de la première moitié du XIXe siècle ne consiste pas uniquement dans « le redoublement et la contre-épreuve de l’existence » (Vigny), mais aussi dans la résurrection de mondes où les êtres sont au cœur de luttes de pouvoir. Le premier roman historique français illustre ces profondes oppositions idéologiques mues par les « passions énergiques » (Mérimée) : Cinq-Mars n’est pas seulement l’histoire d’une conjuration manquée, c’est aussi l’analyse du basculement vers l’absolutisme de la monarchie française et de la faillite des grandes maisons. Bien souvent, les intrigues des œuvres qui prennent l’Ancien Régime pour cadre historique rendent compte, sur le plan symbolique, de confrontations politiques au sens où elles mettent en jeu l’organisation de la cité et la hiérarchie des groupes qui la constituent. La recomposition de la société française issue de la Révolution amène les hommes et les femmes du temps à interroger les forces en présence au prisme de l’Histoire, la fiction devenant à la fois lorgnon et miroir, medium translucide et spéculaire. C’est ainsi que pour Hugo, le drame idéal est « le passé ressuscité au profit du présent » (Marie Tudor).

Ce colloque interrogera les pouvoirs d’Ancien Régime dans sa conception la plus large (de Philippe VI, premier roi de la dynastie des Valois, à Louis XVI). Sous l’Ancien Régime, le pouvoir n’est pas seulement entre les mains du monarque : la noblesse, les membres de l’Église, les femmes, le peuple, l’armée peuvent également participer de la représentation des pouvoirs et des groupes qui les concentrent. Ce colloque a donc pour but de répondre à plusieurs questions : Quelle place occupe(nt) le(s) pouvoir(s) dans la représentation de l’Ancien Régime au XIXe siècle ? Cette représentation participe-t-elle d’une image canonique ou bien est-elle une recomposition en acte de l’Histoire ? Dans quelle mesure la fiction littéraire historique permet-elle d’interroger la diversité des pouvoirs dans une perspective diachronique ? Enfin, quels sont les apports de la littérature de fiction à la construction scientifique de l’Ancien Régime ?

Colloque organisé par :
Laurent Angard (IHRIM, Saint-Étienne),
Guillaume Cousin (CÉRÉdI, Rouen),
et Blandine Poirier (CÉRILAC, Paris 7)

Comité scientifique :
Patrick Berthier (L’AMo, Nantes), Alexandre Dupilet, Hubert Heckmann (CÉRÉdI, Rouen), Florence Lotterie (CÉRILAC, Paris 7), Claude Millet (CÉRILAC, Paris 7), Claudine Poulouin (CÉRÉdI, Rouen), Gilbert Schrenck (CELAR, Strasbourg).

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