Cahiers du Gadges n°13, 2015
« L’âge de la connivence : pour lire entre les mots à l’époque moderne »
Ariane BAYLE, Mathilde BOMBART et Isabelle GARNIER (dir.)
Diffusion Librairie Droz
n° 13, 2015 [parution juin 2016], 306 p.
ISBN 978-2-36442-050-2
ISSN 1950-974X
La connivence est une notion qui travaille bien des discours au quotidien : qu’elle soit promue comme un ferment de séduction par les concepteurs de nouvelles marques commerciales (qui jouent sur la dimension de complicité implicite qu’elle véhicule) ou qu’elle soit rejetée par les observateurs de la vie politique condamnant la collusion des intérêts privés et publics (à partir du sens étymologique de « complicité morale consistant à fermer les yeux sur la faute de quelqu’un »), elle semble être un outil de description efficace du jeu social. Pour autant, elle n’a que très peu fait l’objet d’une attention spécifique : mobilisée souvent en passant, elle n’a pas été théorisée en tant que notion opératoire dans le domaine des lettres ni des sciences humaines. Cet intérêt pour le type de liens, de pratiques et de discours que recouvre l’idée de connivence n’est pas l’apanage du monde contemporain. Un regard jeté vers le passé montre également son importance à l’époque moderne, du XVIe au XVIIIe siècle : dans le champ littéraire en particulier sont mises en œuvre des formes de connivence spécifiques, entre auteurs, ou entre auteurs et publics, reliées à des conditions historiques précises de production et de publication des œuvres. C’est cette période, que nous désignons par « l’âge de la connivence », qui est placée au cœur de la présente enquête.
Prolongeant les derniers travaux des Cahiers du GADGES qui portaient sur des modes de relation entre auteurs et lecteurs dans diverses situations de conflit (Polémique en tous genres, 2009 ; Genres et querelles littéraires, 2011 ; L’art de la conciliation, 2013), l’étude de la connivence explore une des manières dont se manifeste dans l’espace littéraire le regroupement de communautés sociales ou idéologiques. Plus largement, notre pari est aussi de faire de la connivence un outil utile pour décrire et comprendre à l’époque moderne le rapport des discours et des écrits, voire des œuvres d’art, à un public ciblé : nous la définissons comme la mise en place volontaire d’un dispositif, le plus souvent textuel, adressé à un ou plusieurs destinataires, et supposant l’existence d’un tiers exclu. À partir de cette réflexion théorique, ce volume offre l’analyse de cas concrets qui rendent perceptible au lecteur du XXIe siècle une « intelligence secrète active » qui peut lier les auteurs, entre eux comme à leurs publics.
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