Jules Renard, écrivain de l’intime

Stéphane GOUGELMANN

coll. « Études romantiques et dix-neuviémistes »
Paris, Classiques Garnier
26 avril 2017, 685 p.
ISBN 978-2-8124-4631-3

Résumé

« Chacun pour moi. » Telle est la devise amusante que Catulle Mendès attribue à Jules Renard (1864-1910). En effet, auteur d’un Journal intime et d’une œuvre qui ressemble à son Journal, Renard manifeste dans ses écrits une attention scrupuleuse à lui-même et aux autres à travers lui-même. En cela, il participe à ce mouvement fin-de-siècle où le culte du document en littérature est en partie évincé par la culture du moi. Mais, désireux d’affirmer toute sa singularité, il élabore un style qui tranche sur tous les autres et se veut artiste indépendant. Nous avons donc tenté de comprendre la logique qui pousse l’homme à s’écrire et souhaité mettre en évidence la dialectique qui se noue entre l’intime et son reflet d’encre. Pour ce faire, il nous a d’abord semblé utile de suivre le parcours qui conduit Renard de l’abandon des principes réalistes à une littérature d’observation mais d’une observation ouvertement subjective et s’incarnant dans une image intériorisée de la réalité vécue. Pour autant, la peinture de soi ne se réduit pas au genre de l’autoportrait. L’intime est relationnel et sa représentation inclut nécessairement la présence des autres. Cependant, l’intersubjectivité est ambivalente chez Jules Renard : l’autre peut apparaître comme une force aliénante, un ennemi à railler ou à charmer, mais offre aussi la possibilité de s’épanouir dans une relation d’amitié ou d’amour, dans l’admiration, voire la fraternisation. Enfin, il nous est apparu que l’écriture de l’intime était pour l’écrivain le moyen de se connaître, mais surtout de s’amender moralement et de s’inventer poétiquement dans une forme lacunaire et laconique. L’écrivain s’approche alors de son idéal d’humour et invite son lecteur à devenir son semblable, son frère, autrement dit à être son intime.

Abstract

“Everyman for myself”, that is the amusing motto Catulle Mendès attributed to Jules Renard (1864-1910). Indeed, as an author of an intimate Diary and of a work which looks like his Diary, Renard pays in his written work very close attention to himself and to others. In that, he takes part in the fin-de-siècle movement, when the cult of the document in literature was partly supplanted by the culture of the ego. But, anxious as he was to assert all his singularity, he elaborated a style which strongly contrasts with all others and claimed to be independent artist. Thus, we tried to understand the logic which drove the man to write about himself and we wished to highlight the dialectic which binds intimacy with its literary reflection. To do so, it proved useful to follow the course led by Renard, from giving up realistic principles to a literature of observation ; yet an openly subjective observation which embodied in an internalized image of real life. Nevertheless, self portraying is not reduces to the genre of the self-portrait. Privacy is relational and its representation necessarily includes the presence of others. However, intersubjectivity is ambivalent in Jules Renard. The other may appear as an alienating force, as an enemy to be mocked at or to charm, but also offers the opportunity to open out into friendship or love relationship admiration and even fraternization. Lastly, it seemed to us that private writing was a way for the writer to know himself but above all a way to amend morally, and to invent himself poetically in a lacunary and laconic form. The writer then approached his ideal of humour and invites his reader to become his fellow man, his brother in other words to be on intimate terms with him.

L’auteur

Stéphane Gougelmann, maître de conférences en Lettres à l’université Jean Monnet de Saint-Étienne et membre de l’UMR IHRIM, est l’auteur d’études sur la littérature française du XIXe siècle, en particulier sur l’œuvre de Jules Renard.

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