Les fables du pouvoir
L’utopie poétique de La Fontaine
Olivier LEPLATRE
coll. « Les collections de la République des Lettres »
Paris, Hermann
15 décembre 2021, 486 p.
ISBN 9791037008343
Que « tout parle » en l’ouvrage de La Fontaine ne doit pas tromper sur ses intentions élégamment tournées en vers joueurs. Les fables (« choses de paroles », selon leur étymologie) sont des histoires de gueules ouvertes et de dents acérées, l’animal fût-il doté du propre de l’homme : le langage. Car la faculté de parler y rencontre le plaisir de manger, dont elle est le prolongement au bout de la langue. La raison du plus fort se donne les raisons de souiller l’innocence pure ; la parole arme la violence et la méchanceté qui séparent des autres. Langage et pouvoir font cause commune dans ces contes âpres, criblés de loups cruels, de seigneurs voraces ou de moucherons vengeurs qui ruinent tout espoir dans l’élan civilisateur du discours et dans le profit pacificateur de la rhétorique. Par l’articulation du pouvoir et de la parole, La Fontaine fouille l’étendue de nos désirs, parcourt par maintes voies éperdues le passage de la nature à la culture, l’État, le droit, marqués par l’exercice des forces. Il passe au tamis de son anthropologie négative l’homme dans son rapport hostile au monde qu’il parasite des bruits du conflit ; et il conclut à l’hypocrisie, au leurre des solutions politiques.
Ce faisant, le fabuliste se demande pourquoi parler aux hommes qui n’entendent que leurs passions, et si même la fable ne serait pas, elle aussi, compromise avec le pouvoir. À quoi sert d’écrire ? À rien peut-être sinon à l’essentiel : se laisser prendre, sans abandonner la lucidité, au charme des fictions, à s’engager dans l’alternative de l’imagination.
L’auteur
Olivier LEPLATRE est professeur de littérature française à l’université Jean-Moulin-Lyon 3 où il enseigne la littérature du XVIIe siècle. Il a publié plusieurs travaux sur cette période, notamment concernant La Fontaine et Fénelon (Fénelon ou l’inquiétude du politique, Hermann, 2015). Il s’intéresse également aux questions esthétiques (Un goût à la voir nonpareil. Manger les images, essai d’iconophagie, Paris, Kimé, 2018) et, en particulier au dialogue entre les textes et les images. Il est cofondateur de la revue en ligne Textimage.
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