« Qu’il naisse l’observateur »

Penser l’observation (1750-1850)

Lucien DERAINNE

coll. « Histoire des idées et critique littéraire »
Genève, Droz
septembre 2022, 352 p.
ISBN 978-2-600-06375-3

Scientifique, impersonnelle, désengagée : aucun de ces adjectifs ne convient à l’observation entre 1750 et 1850. Ce qu’on appelait alors l’« esprit d’observation » était un talent universel, dont l’existence menaçait le consensus scientifique. Dans la philosophie sensualiste, plus un individu est observateur, plus il se perfectionne au contact du monde : l’observation ne dévoile la vérité qu’en faisant diverger les esprits. Pour résoudre ce dilemme, la méthodologie se fit politique et nourrit une pensée contestataire, de la bohème littéraire du XVIIIe siècle aux socialistes du XIXe. L’invention de l’objectivité finit par clore les débats, vers 1850, en annulant le génie d’observation au profit d’une substitution conventionnelle entre savants. Néanmoins, l’ancien schéma méthodologique se maintint dans la littérature réaliste. L’auteur observateur définit un réel commun à partir d’une négociation critique sur les talents. Cette littérature réaliste constitue donc une proposition épistémologique originale, qui interpelle encore nos sciences humaines.

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