1623-2023 Spectres de Paolo Sarpi, entre Histoire et mémoire


Organisation : Marie VIALLON (U. Lyon 3, IHRIM), Bernard DOMPNIER (CHEC), Pierre-Jean SOURIAC (LARHRA)


A l’occasion du 4e centenaire de sa mort

Le 15 janvier 1623, Paolo Sarpi s’est éteint en son couvent de Venise, entouré de la communauté de ses frères :
... il paroissoit pourtant par le vif de ses yeux & par assés d’autres signes qu’il estoit ce qu’il fut tousjours, en pleine connoissance & discernement des choses jusqu’à son dernier souspir. Ses dernieres parolles, qui furent à peine entendues de frere Marc, qui estoit tousjours à ses oreilles, & qu’il luy entendit repeter plusieurs fois, furent ces deux : Sois perpetuelle. Lesquels mots je tiens pour certain qu’il entendoit appliquer à la Serenissime Republique.
F. Micanzio, La vie du père Paul, 1661, p. 379. Le jour de sa mort est un jour de deuil pour la Sérénissime qui en informe les princes par le truche- ment de ses ambassadeurs pendant que l’Église engage un lent processus de damnatio memoriæ. Haïe ou révérée, sa mémoire est dès lors entretenue par les uns et effacée par les autres. La tombe de Sarpi n’en reste pas moins un monument vénitien qu’il faut visiter, comme autrefois on rendait visite au père Paul.
Au moment où, après quatre siècles, la perception de l’homme et de sa doctrine semble s’apaiser -même au cœur de l’Église- le colloque voudrait établir un double bilan. Il s’agit tout d’abord de retracer l’histoire des représentations de Sarpi, écrites ou iconographiques, qu’il ait été considéré comme un modèle ou comme un repoussoir, en portant attention à toutes les formes d’expression, de la polémique théologique à la statuaire, de s’attacher aussi aux caractéristiques que les diverses époques ont voulu attribuer à sa pensée, que ce soit pour la condamner ou pour la louer, en l’instrumentalisant parfois dans des débats auxquels il était parfois totalement étranger. Mais on voudrait aussi, à hauteur du quatrième centenaire et en tirant partie des approches qui viennent d’être évoquées, porter une réflexion générale sur la marque que Sarpi a imprimée dans l’Histoire et la pensée de notre temps, évaluer ce que l’on pourrait appeler son héritage ou sa postérité.La référence aux Spectres de Paolo Sarpi est un clin d’œil à l’ouvrage de Jacques Derrida qui semble convenir parfaitement à notre auteur disparu il y a 4 siècles. Tous les sens du terme lui conviennent. Au-delà du fantôme, il n’est que de penser à cette « représentation hâve et éma- ciée » façonnée par la biographie de Micanzio et par les divers portraits peints ou sculptés, à cette « menace imminente » qu’il a incarné aux yeux de la Curie romaine et des institutions ecclésiales même par-delà la tombe, voire à cet « éventail organisé de données scientifiques » qui sont une référence à ses compétences en physique, en anatomie ou en chimie.