Dante, ses critiques, ses imitateurs. France-Italie XXe-XXIe siècles


Contact : Donatella BISCONTI
En collaboration avec l’université Ca’ Foscari de Venise

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Si le XIXe siècle a perçu Dante comme un monument, un « effet de mémoire » (patriotique, littéraire, politique…), une posture héroïque, le XXe siècle ramène ce monstre sacré de la littérature mondiale à une dimension plus intime et domestique, mais aussi plus fuyante et contradictoire, en mettant l’accent sur les mille facettes de son expression poétique, en s’identifiant à sa condition d’exilé, en faisant de cet auteur un emblème de la liberté, mais aussi la figure de chacun de nous, un Everyman en voyage à travers la vie, comme le décrit Ezra Pound. Nous adoptons donc l’âge contemporain comme terrain d’enquête car, comme Carlo Ossola l’a souligné (A lume spento : Dante au XXe siècle ; de Pound à Borges, in Littératures modernes de l’Europe néolatine, p. 571) « nous en avons un double droit. Pour le privilège que nous nous concédons de choisir ce qui est essentiel, ce qui demeure en deçà du relatif (de la relation avec le temps, les temps), et qui constitue le fondement de notre conception même de l’art […]. Et pour un autre privilège, qui relève de la puissance créatrice de Dante. Son poème est, en effet, en même temps absolu et choral : il fonde et il accomplit. Il fonde une langue, une littérature, la représentation de l’éternel », si bien que Dante se pose comme « poeta absolutissimus » selon les propres mots de Giambattista Vico.
Sans vouloir ignorer l’apport du XIXe siècle aux études dantesques, le colloque se concentrera sur l’époque la plus récente, selon deux axes spéculaires : la contribution des dantologues italiens et celle des dantologues français. Notre ambition est de faire ressortir les homologies mais aussi les différences dans les deux typologies d’approche scientifique, s’il est vrai, comme le souligne Claude Perrus, que la dantologie française est pauvre en travaux érudits et a été peu influencée par les analyses d’Auerbach et de Contini, tandis qu’elle se livre davantage à l’exploration philosophique et à une vision plus globale et contextualisée de l’œuvre de Dante. En revanche, dans la dantologie italienne le poids de la forme et de la lettre du texte, l’emprise de la philologie demeurent les voies royales de la compréhension de Dante. Il s’agira de voir si une intégration entre les deux méthodes est possible et quelle serait son avenir.
L’autre volet de ce colloque sera constitué par la réflexion des poètes et écrivains italiens et français sur l’œuvre de Dante. Si l’intertextualité dantesque a été largement étudiée, l’approche critique des poètes et romanciers a suscité moins d’attention. Certes, elle est plus rare par rapport à une reprise de stylèmes et images issus de la poésie de Dante, car ce que Contini appelait la memorabilità de Dante peut refaire surface à tout moment, même inconsciemment, ce qui rend peu palpable la volonté affichée de faire référence au sommo poeta. En revanche, la réflexion critique des poètes constitue une approche complémentaire de l’œuvre de Dante par rapport à la réflexion universitaire institutionnelle. Non seulement elle nous dit à quel niveau et dans quelle mesure Dante parle aux écrivains contemporains, mais elle ouvre des perspectives inédites sur ce que Dante peut ou pourrait représenter pour les générations futures. On est là dans le domaine de la riusabilità de Dante, qui peut éventuellement correspondre à un projet littéraire, mais aussi à l’interprétation de sa propre œuvre de la part du poète-critique.


Projet porté par Mme Donatella BISCONTI

Comité scientifique :
Donatella BISCONTI (UCA – IHRIM)
Pietro GIBELLINI (Ca’ Foscari – Venezia)
Philippe GUÉRIN – (Paris 3 – CERLIM)
Paolo LEONCINI (Ca’ Foscari – Venezia)
Sonia PORZI – (UCA – IHRIM)