Enfants et enfance dans la fabrique du scandale à l’époque moderne Histoire, littérature, mémoire
Organisation et contacts : Isabelle MOREAU (MCF-HDR en littérature française du XVIIe siècle, ENS de Lyon – IHRIM, UMR 5317)
Julien LÉONARD (MCF en histoire moderne, Université de Lorraine – CRULH, EA 3945)
Argumentaire général
Si les événements traumatiques touchant des enfants ou mettant en jeu la construction sociale et littéraire de l’enfance affectent particulièrement notre époque, suscitent des réactions émotionnelles fortes et mobilisent des formes nouvelles de diffusion médiatique du scandale à différentes échelles, le phénomène est ancien.
Dans l’Europe occidentale de l’époque moderne (xvie-xviiie siècles), plusieurs facteurs peuvent être producteurs de scandale, mais dans une société encore très fortement marquée par la prégnance du fait confessionnel et par l’encadrement religieux des groupes et des individus, le facteur principal de scandale est de nature spirituelle. Le religieux est donc à la fois générateur de normalisation, d’encadrement et de disciplinarisation de la société sous l’Ancien Régime, mais il est aussi, en creux, producteur de scandale. C’est particulièrement sensible à propos des enfants et, au-delà, dans la définition même de ce qu’est l’enfance, qui est une construction sociale, culturelle et littéraire variable en fonction des périodes, des lieux et des appartenances confessionnelles.
L’objet de ce colloque sera d’analyser comment et pourquoi l’enfant, individuellement ou en groupe, peut être au cœur des processus de fabrique du scandale, comment il peut même transformer la notion lorsque des événements le touchent spécifiquement. Il s’agira de voir à la fois comment certains scandales permettent de construire l’enfance comme catégorie, et comment leur mise en récit littéraire (parfois au croisement du judiciaire, dans des sources comme les factums) permet de percevoir l’évolution des normes sociales et culturelles, mais aussi des émotions relatives à l’enfant au cours de l’époque moderne.
En lien avec ces questions littéraires et historiques, il sera aussi question de la construction de la mémoire du scandale et de la transmission de son souvenir, mécanismes dans lesquels l’enfant joue à la fois un rôle d’objet (quand il est au cœur du scandale qui se produit), et un rôle de transmetteur grâce à l’enseignement et à la famille. À l’inverse, l’enfant peut aussi être coupé de cette mémoire, lorsque le scandale doit être étouffé.
Ce colloque interdisciplinaire, premier jalon d’un projet de recherche collectif centré sur la figure de l’enfant en situation de concurrence confessionnelle (xvie-xviiie siècles), a pour ambition de faire dialoguer littéraires et historiens en priorité. Toutefois, les propositions provenant de ou à la croisée d’autres disciplines (histoire du droit, anthropologie, histoire de l’art, etc.) seront également considérées sans a priori dans une perspective pluridisciplinaire.
Pistes de recherches
Dans la continuité des interrogations soulevées plus haut, les points suivants pourront être abordés ou approfondis, sans que cela doive paraître exhaustif, exclusif ou impératif :
– la place de l’enfant dans la circulation de la nouvelle d’événements considérés comme scandaleux. Existe-t-il des spécificités lorsque le scandale concerne des enfants ? Quels sont les enjeux de la médiatisation du scandale ou, au contraire, de son occultation ?
– les modes d’écriture du scandale, de sa transformation en récit, de sa publication, lorsque cela touche les enfants. Pourquoi et comment faire du scandale un objet littéraire et un mode de diffusion de la nouvelle ? Y a-t-il des auteurs et/ou des imprimeurs qui s’intéressent en particulier à ces sujets ?
– la place du scandale dans la construction de l’enfance comme catégorie d’âge, avec la possibilité d’affiner certaines évolutions déjà soulignées par des historiens sur l’apparition de l’enfant à l’époque moderne comme quelqu’un d’autre qu’un simple adulte en miniature. Comment le scandale forge-t-il la figure de l’enfant et de l’enfance dans l’imaginaire européen à l’époque moderne ? Quelles en sont les grandes évolutions ?
– la place des enfants dans l’évolution des pratiques sociales et culturelles. Dans quelle mesure peut-on se servir de l’enfant comme d’un révélateur émotionnel et affectif ? Quels sont les seuils de tolérance vis-à-vis de ce qui peut toucher l’enfant et comment évoluent-ils au cours de l’époque moderne ? Quelle est la place de la littérature dans la construction de ces seuils ?
– la place des enfants dans les situations de compétition confessionnelle. Dans les lieux de contact entre plusieurs systèmes confessionnels, ou avec d’autres religions, comment l’enfant est-il construit comme objet de lutte ? Quelles sont les stratégies argumentatives déployées sur la question de l’enfance ?
– la place des enfants dans certaines pratiques forcées. En lien avec le point précédent, comment les enlèvements, les conversions forcées, voire les baptêmes forcés dans le cas des juifs, sont-ils construits comme des scandales et comment peuvent-ils être interprétés par les théologiens et les écrivains, entre sacrilège et œuvre pour le salut de l’âme de l’enfant ?
– l’enfant comme récepteur d’une mémoire familiale ou collective. Comment transmettre à l’enfant une culture confessionnelle à partir du récit de certains scandales qui peuvent susciter le rejet ? Quels sont les risques de rejet du religieux dans ces transmissions ?
Organisation et calendrier
Le colloque se tiendra à l’ENS de Lyon les 1er et 2 octobre 2020.
Les propositions de communication (pas plus de 3 000 signes), accompagnées d’un court CV académique, seront envoyées à l’un des deux organisateurs avant le 31 décembre 2019, et seront évaluées par des experts anonymes.
Isabelle Moreau(MCF-HDR en littérature française du xviie siècle, ENS de Lyon – IHRIM, UMR 5317)
Julien Léonard(MCF en histoire moderne, Université de Lorraine – CRULH, EA 3945)
Lauréat « Projet EMERGENT 2018 », le projet bénéficie du soutien du Fonds Recherche de l’ENS de Lyon.