

L’alterité du passé. Consciences d’époque et jugements de valeur (XVIIe-XIXe siècles)
Organisation : Delphine REGUIG (univ. Jean Monnet Saint-Étienne / IHRIM / IUF) et Stéphane ZÉKIAN (CNRS / IHRIM)
Depuis plusieurs années, de nombreuses controverses mettent en lumière les difficultés de notre présent à envisager sereinement certaines œuvres ou productions culturelles du passé. Une virulence parfois extrême caractérise ces controverses. À première vue, deux blocs semblent se faire face : le premier prône l’adaptation, la réécriture voire la destruction de ces productions, arguant du caractère désormais inassimilable des traces laissées par un âge périmé de la pensée comme de la conscience humaines ; le second, au contraire, plaide pour une meilleure prise en compte de la différence des temps ; il souligne aussi l’importance primordiale d’une approche esthétique des œuvres incriminées. Chacun crie au scandale et renvoie l’adversaire à son aveuglement idéologique : on dénonce, d’un côté, une idéologie « bien-pensante » qui appellerait à vandaliser le legs du passé, de l’autre, une crispation « réactionnaire » qui masquerait son adhésion aux pires dérives sous le paravent de la vénération patrimoniale. Paradoxalement, la conviction de vivre un moment de bascule fédère les antagonistes. Les uns pensent sortir enfin d’un âge obscur quand les autres redoutent d’y entrer. Mais dans tous les cas, il paraît entendu que nous vivons un moment inouï.
Fondé sur l’hypothèse inverse, ce colloque voudrait montrer que la connaissance des pratiques anciennes jette un éclairage utile sur les lignes de fracture contemporaines, et qu’elle permet de mieux évaluer ce qui fait réellement rupture dans les luttes actuelles. Replacer notre actualité dans un temps relativement long devrait aider, d’une part, à cerner les raisons pour lesquelles, dans certains contextes critiques, on ne tolère plus qu’un passé-miroir, éloge ou justification de notre propre présent, d’autre part, à exhumer les soubassements de pratiques mémorielles dont le caractère sélectif a parfois tout d’une cécité volontaire.
En conséquence, ce colloque propose d’examiner, dans des conjonctures variées s’échelonnant sur environ 250 ans, les modes d’appréhension par les vivants d’un passé jugé par eux problématique.