L’image dans le livre : cadre, cadrage


Dans une première perspective, nous voudrions interroger les régimes de points de vue retenus spécifiquement par les illustrations d’Ancien Régime, au sein des éditions illustrées, pour mettre en images les textes. Il s’agira d’étudier ce que les choix de cadrage traduisent des lectures opérées par les artistes, ce qu’ils isolent, prélèvent, découpent et reconfigurent, ce qu’ils éclairent ou écartent, ce qu’ils retiennent dans les bordures de leurs images pour en intensifier la visibilité et ce qu’ils repoussent hors de leurs limites. Décision d’une lecture contraignant la nôtre, le cadrage construit la représentation et fixe l’impératif de son ordre compositionnel : il dépend donc d’une intention de sens plus ou moins soumise au texte, plus ou moins affranchie de lui, et régie par de multiples motivations : esthétiques, idéologiques....
Mais nous souhaiterions aussi examiner la manière dont le cadrage des gravures peut être le symptôme d’une histoire du regard, en examinant notamment l’importance pour le livre illustré de ses modèles, picturaux, architecturaux…, auxquels les dessinateurs et les graveurs se sont conformés, fidèlement ou non. L’on sait comment, par exemple, les frontispices ont, sur la période qui nous occupe, emprunté tout à la fois à des référents architecturaux (portiques, arcs de triomphe…), favorisant une parcellisation et un cloisonnement des images dans la gravure, et aux canons picturaux, agrandissant, déployant à l’inverse l’espace de visibilité et y relativisant la place de l’écriture.
Cette approche de l’optique ou des optiques de l’image, qui dépendent, éventuellement, de paradigmes extérieurs et qui coordonnent, selon leurs logiques propres, la mise en lumière des textes, ou de certains de leurs aspects, ne doit pas, en outre, être coupé d’un questionnement sur les techniques. Techniques du dessin et de la gravure en premier lieu qui, en lien avec celle de l’imprimeur, en raison des contraintes et des possibilités qu’offrent ou que n’offrent pas les matériaux, déterminent les partis pris et les gestes esthétiques : la taille de l’image, la qualité des traits et de l’impression ne sont, entre autres, pas indifférentes aux opérations de cadrage et à leurs résultats. Économie technique du livre ensuite, dans lequel les illustrations prennent place. Le cadre de l’image concerne ainsi leurs emplacements dans le dispositif plastique de la page d’abord et du livre édité, plus globalement. Sertie dans le livre, le débordant au contraire jusqu’à pouvoir par exemple se déplier, l’image cherche sa place, l’impose ou se la voit imposée selon les textes, selon les capacités techniques coordonnées aux stratégies éditoriales dans lesquelles elle s’inscrit.
Sur ce plan, on s’intéressera encore aux montages rythmiques des livres illustrés : avec quelle régularité les images reviennent-elles, autrement dit comment scandent-elles le texte, aménageant en lui autant de pauses, de suspensions graphiques et herméneutiques, mais marquant aussi en lui, à chacun de ses arrêts, les étapes d’autres lectures, différentes voire amovibles, et d’autres parcours de lisibilité ?
On retiendra encore le cadre dans sa forme concrète, au caractère ornemental variable. Circonscrivant le territoire de l’image, le cadre renforce l’angle visuel de l’image et contribue à son orientation, mais il définit également le type de relations graphiques que l’image entretient avec son environnement : blancs du papier, bords et centre de la page, blocs de textes en vis-à-vis (eux-mêmes cadrés) ou dans sa périphérie, objet-livre…
On pensera enfin à retenir la présence, dans les images elles-mêmes, de phénomènes de surcadrage pour comprendre ce qu’ils disent du point de vue de l’image sur les textes et de l’image sur ses modalités de représentation et de figurabilité à l’intérieur de l’espace-livre, et peut-être parfois en tension avec lui.
Les propositions de communication (titre et résumé) accompagnées d’une brève notice bio-bibliographique sont à adresser conjointement avant le 1er mai à Maxime Cartron et à Olivier Leplatre.