La « banqueroute » de la nature (Shakespeare, Sonnet 67) : Écologie, économie et urbanisme dans l’Angleterre des Tudors


Organisation : Sophie CHIARI (IHRIM, littérature anglaise), et Arnaud DIEMER (CERDI, économie, coordinateur scientifique du Centre d’Excellence Jean Monnet sur le développement durable)

Le règne des Tudors (1485-1603) marque une période de profonde transformation sociétale qui conduit l’Angleterre à faire émerger de grands enjeux économiques, urbains et environnementaux, intrinsèquement liés les uns aux autres. La construction de grands navires de guerre sous le règne d’Henri VIII décime des forêts entières et provoque une pénurie de bois de charpente. On prend conscience, à la même période, de la raréfaction du gibier dans les forêts : le lièvre, à force d’être chassé, devient une espèce en déclin qu’il faut désormais protéger (« Act against Unlawful Hunting the Hare », 1512).
Dans les années 1530, on commence aussi à s’intéresser de près aux voies d’eau qui, mal entretenues ou considérées comme des décharges sauvages, débordent et causent, notamment en ville, d’importantes nuisances. Alors que, sous le règne d’Elisabeth Ire, les populations aisées se mettent à fuir Londres pour échapper à ses fumées toxiques comme aux différentes épidémies de peste, et à se réfugier à la campagne dès qu’elles le peuvent, les plus modestes, eux, doivent faire face aux désagréments d’une pollution grandissante, suscitée par une industrie naissante et une activité économique en pleine croissance. La pollution de l’eau, en particulier, devient une préoccupation majeure (« Proclamation Enforcing the Statute against Water Pollution », 1590), et celles et ceux qui jettent les carcasses d’animaux dans les cours d’eau londoniens écopent désormais de sévères amendes.
On le voit, économie, environnement et urbanisme sont trois sujets majeurs qui, tout au long du XVIe siècle, suscitent l’intérêt, l’inquiétude ou le rejet des contemporains de Shakespeare. Si de nombreuses mesures que l’on qualifierait aujourd’hui d’environnementales sont prises à cette époque pour améliorer la qualité de la vie citadine et préserver la nature, elles le sont avant tout pour des raisons pragmatiques et économiques. Dès lors, peut-on, à l’ère Tudor, parler de l’avènement d’une conscience écologique ? Comment les grands enjeux urbains, environnementaux et économiques du XVIe siècle ont-ils été confrontés, résolus ou ignorés par les gouvernements successifs qui ont façonné l’Angleterre pré-moderne ? De quelle manière la littérature élisabéthaine (au sens large) reflète-t-elles ces préoccupations et s’en empare-t-elle pour éveiller les consciences ?
On s’efforcera de répondre à ces questions au cours de cette journée d’étude destinée à l’ensemble de la communauté scientifique. On appréciera tout particulièrement des approches interdisciplinaires, mais aussi des analyses plus spécifiques, ou encore des contributions sur un moment particulier de la période Tudor (en relation avec l’histoire du climat, par exemple). Si l’économie, l’urbanisme et l’écologie n’étaient pas encore catégorisés en tant que tels dans l’Angleterre du XVIe siècle, les contributions proposées viseront à redéfinir ces grands champs de la connaissance et à montrer en quoi l’analyse des œuvres littéraires, des textes de loi, et des savoirs épistémologiques de l’ère élisabéthaine se révèle utile pour cerner tant les grands défis sociétaux de l’époque que les précurseurs de la cause environnementale.

Les propositions de contribution (résumés de 500 mots accompagnés d’une courte bio-biblio), de préférence en anglais, précisant le titre de la contribution, les nom et prénom du contributeur ainsi que son affiliation devront être envoyées à Sophie CHIARI (IHRIM, littérature anglaise), et Arnaud DIEMER (CERDI, économie, coordinateur scientifique du Centre d’Excellence Jean Monnet sur le développement durable), avant le 15 décembre 2021. Les auteurs d’une proposition recevront une réponse en janvier 2022.

‘Nature bankrupt is’ (Shakespeare, Sonnet 67) Ecology, Economy and Urbanism in Tudor England

The Tudor era (1485-1603) was a period of profound societal transformation during which a series of interrelated economic, urban, and environmental issues came to the fore. During Henry VIII’s reign, the construction of warships destroyed huge tracts of English woodland, leading to a shortage of timber. At the same time, due to overhunting, game was gradually disappearing from the English forests and conservatory measures, such as the « Act against Unlawful Hunting the Hare » (1512), were taken.
In the 1530s, the Commission of Sewers became responsible for the inspection of London drains and embankments in order to prevent flooding. During the reign of Elizabeth I, the wealthy would frequently flee London for the countryside because of noxious smoke and sporadic plague outbreaks. The vast majority of Londoners though had to live with the growing pollution caused by nascent industry and burgeoning economic development. Water pollution, in particular, became a major source of anxiety, and those who had been dumping animal carcasses in the rivers were now liable to large fines (‘Proclamation Enforcing the Statute against Water Pollution’, 1590). These tendencies may then attest to the importance of the emerging economic, environmental and urbanistic issues of the time : while some of Shakespeare’s contemporaries chose to ignore them, many expressed deep concern and interest. However, though proto-environmental measures were indeed taken to improve the quality of urban life and protect the natural world, they stemmed for the major part from pragmatic and economic interest. From this perspective, can we speak of the birth of an ‘ecological’ conscience in Tudor England ? How were the urban, environmental, and economic challenges of the sixteenth century addressed and negotiated ? Were they, on the contrary, simply dismissed by the governments that contributed to fashioning early modern English society ? How does the literature (in the broad sense of the word) and the drama of the period convey these concerns and to what extent did they raise awareness of these problems among readers and audiences alike ?
This workshop will consider all these questions and related topics, and while interdisciplinary approaches are particularly welcome, more specific analyses focusing on a particular moment of the Tudor period (with the history of climate as a background, for instance) are also pertinent. Though economy, urbanism and ecology are modern-day terms, participants are expected to engage with these concepts with a view to showing how close reading of literary texts, of Tudor legislation, and/or the in-depth study of Elizabethan epistemologies, to cite but a few examples, may prove useful in better understanding the societal challenges of the period and delineating these putative precursors of the environmental cause.

500-word proposals (preferably in English) along with a short biographical notice should be sent to Sophie CHIARI and Arnaud DIEMER, before 15th December 2021. Contributors will be notified of acceptance by February 2022.