La polyphonie au siècle des Lumières
Organisé par Alexandre Chèvremont et Emmanuel Reibel
Le discours sur la musique au siècle des Lumières apparaît comme structuré par l’opposition entre mélodie et harmonie. La Querelle des Bouffons, au milieu du siècle, voit se cristalliser l’opposition entre Rameau et Rousseau autour de ces deux notions. Défense d’une musique savante mais jugée froide d’un côté, prise de parti pour une musique émouvante et refusant de se subordonner au régime scientifique de la découverte des harmoniques, de l’autre. La journée d’études organisée le 21 novembre 2019 à Lyon par l’Institut d’Histoire des Représentations et des Idées dans les Modernités (IHRIM) propose d’apporter un éclairage différent sur cette période en se donnant pour objet la construction de la notion de polyphonie au XVIIIe siècle. Sans se limiter à son emploi musical, la journée d’études fera apparaître la pertinence de cette notion dans le champ philosophique et littéraire.
En tant que catégorie musicale, la polyphonie s’oppose à l’unisson qui sert à bien des
égards de paradigme pour le mélodisme rousseauiste. Envisager la construction du discours musical à partir de plusieurs voix, c’est questionner la validité de ce modèle. Il s’agira donc de montrer que la musique fait entendre la pluralité, sur le plan vocal comme instrumental. Cette pluralité sonore n’est pas à confondre avec le régime du discours scientifique relatif à la découverte des harmoniques et de la résonance du corps sonore. Elle se joue sur un plan perceptif.
La polyphonie est aussi une catégorie littéraire, sociale, politique. La journée d’études s’attachera donc à montrer comment la pluralité des voix hante le discours fictionnel, se retrouve dans l’éthique de la conversation des salons, et constitue un contre-modèle à l’unanimisme politique qui est celui de la volonté générale dans le contrat social rousseauiste.
Le périmètre géographique du projet englobe particulièrement les aires culturelles française et allemande, mais il est appelé à s’élargir en fonction des propositions suscitées. Du côté français, les protagonistes du débat sont connus. On songe à Rameau, à Diderot, à Rousseau, à d’Alembert. La journée d’études se veut aussi l’occasion de s’intéresser à d’autres figures susceptibles de renouveler l’opposition structurante entre harmonie et mélodie. Du côté allemand, on pourra aussi bien explorer la tradition rationaliste héritée de Leibniz (en particulier Baumgarten), que d’autres discours adoptant résolument une position empiriste revendiquant la priorité des émotions (notamment Herder). On sera attentif à ne pas cloisonner les objets d’étude, et à rester sensible à la circulation transfrontalière des idées. Des prospections en amont (le « Grand siècle » et la Querelle des Anciens et des Modernes, par exemple) comme en aval (le premier romantisme allemand, toujours à titre d’exemple) seront également bienvenues.
La langue de travail du colloque sera de préférence le français, mais sans exclusive. Les propositions de communications sont à adresser à Alexandre Chèvremont avant le 15 décembre 2018, sous forme d’un résumé d’une quinzaine de lignes assorti d’une brève biobibliographie.
Comité scientifique :
Jean-François Candoni (CELLAM, Rennes 2), Alexandre Chèvremont (IHRIM-ENS Lyon), Boris Previšić (Zentrum für Aufklärung, Kritisches Denken und Pluralität, Lucerne), Pierre Saby (IHRIM-Lyon 2)