La servitude volontaire et ses avatars. Histoire et enjeux contemporains


Aujourd’hui, l’expression laboétienne de « servitude volontaire » est fréquemment employée pour désigner ou dénoncer des comportements jugés pervers : fondés sur un discours de liberté et sur des injonctions à l’affirmation d’une identité individuelle, ils sont en fait de nouvelles manières de soumettre les êtres à des réquisits toujours plus invisibilisés. C’est alors comme si les individus étaient producteurs de leur propre asservissement et s’y engageaient volontiers. S’il semble que les figures du tyran donneur d’ordres ont disparu, la servitude, elle, persiste et prend la forme de l’auto-management de soi (du coaching au développement personnel), de l’« autonomie » (au sens d’autocontrôle et d’exigence d’efficacité), de l’auto-entrepreneuriat (de l’ubérisation au free-lance en passant par le micro-travail) et de la maitrise émotionnelle. Cette servitude est qualifiée de « volontaire » dans la mesure où elle se traduit par une légitimation de l’ordre dominant, des hiérarchies et des réquisits, et parce qu’elle semble être reproduite bien volontiers, avec bonheur, au nom de la liberté individuelle. Que nous dit l’emploi de la formule laboétienne de l’état des rapports de domination au sein des sociétés néolibérales ? Dans quelle mesure est-elle éclairante ? Comment expliquer cette énigme du consentement à la soumission ? La « servitude volontaire », dans ses diverses formulations au fil de l’histoire de la pensée jusqu’à ses avatars contemporains, sont ce par quoi se joue la liaison du pouvoir et de sa légitimation, des causes sociales et des raisons psychologiques, des structures économiques et des désirs individuels.

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