Le corps du sensible. Lectures et écritures phénoménologiques du littéraire (16e-18e siècles)


Qu’avons-nous à gagner à lire ou relire le littéraire de la période moderne avec l’éclairage de la phénoménologie ? Quel bénéfice intellectuel, quel supplément de compréhension critique retirer d’une telle approche ? Solliciter la pensée phénoménologique peut
sembler une démarche inutilement anachronique : les textes sont d’abord de leur temps et du passé dont ils héritent, qu’ils reformulent et actualisent. Pourtant, appréhendée comme un geste interprétatif bien plus que comme une grille de lecture tirée d’une doctrine unifiée, la phénoménologie est opératoire si on veut bien envisager son apport du côté de la description,
de la représentation et de la suscitation du sensible, au fondement de ce « retour aux choses mêmes » réclamé par Husserl et confirmé par Merleau-Ponty.
Les auteurs d’Ancien Régime ne sont en effet pas indifférents à l’exploration nuancée des états perceptifs originels. Bien au contraire, ils ne cessent d’interroger les sources et les effets des sensations ou des émotions, avec les mots et les concepts de leur temps. Par bien de ses aspects, et la diversité de leur production (des récits de voyage et de festivités éphémères aux écrits des mystiques en passant par la littérature comique, la poésie, les galeries d’ekphrasis, les romans ou la littérature artistique), ils s’attachent à saisir ce que Merleau-Ponty a appelé, dans L’Œil et l’Esprit, « la texture imaginaire du réel ».



Visuel : Jacob Van Swanenburg, La Tentation de Saint-Antoine (1595-1605), huile sur pierre, Collection privée © Kunstkammer Georg Laue, Munich/London