Les écrits de la mise en scène lyrique
Organisation : Jean-Christophe BRANGER, Jonathan PARISI, Muriel JOUBERT et Emmanuel REIBEL
État des lieux
Des premiers livrets de mise en scène, imprimés par Duverger autour de 1830, jusqu’à nos jours, les écrits de la mise en scène lyrique revêtent des formats aussi variés que le sont leurs modes de production, connaissent des fonctions multiples, des modes de diffusion (ou de non diffusion), de conservation (ou de non conservation) changeants et une considération étroitement liée aux contingences de l’entreprise spectaculaire et de ses évolutions.
En France, de 1837 à 1875, le chanteur et régisseur Louis Palianti lance une Collection de mises en scène de grands opéras et d’opéras-comiques représentés pour la première fois à Paris, rassemblant plus de deux cents titres d’abord édités par la presse avant d’être publiés par l’éditeur E. Brière. Au même moment en Allemagne, écarté de la réalisation de son ouvrage, Wagner fournit ses prescriptions de mise en scène par écrit dans son essai Sur la représentation de Tannhaüser (1852), et Ricordi, en Italie, édite lui-même le livret de mise en scène de Mefistofele de Boito suite à la création à Venise d’une version remaniée de l’ouvrage (1876).
Ainsi, autour de 1900, le livret de mise en scène édité et déposé chez l’éditeur semble se généraliser. En France, il tend à compiler dans un document unique l’ensemble des informations nécessaires à la réalisation scénique d’une œuvre lyrique, que ce soit en vue de sa diffusion dans d’autres théâtres ou de son maintien au répertoire d’une institution. Mais sa publication sous-tend également d’autres enjeux et va permettre au metteur en scène de revendiquer le statut d’auteur. De 1911 au milieu du XXe siècle, l’Association de la Régie Théâtrale constitue un vaste fonds de livrets de mise en scène lyriques (et dramatiques) ayant la double vocation de faciliter la reprise d’une mise en scène et d’en conserver l’identité.
Depuis les années 1950, la possibilité nouvelle, insufflée par Wieland Wagner, d’une prise de distance interprétative avec la lettre de l’ouvrage, semble avoir condamné le document unique et possédant toute autorité que représente le livret de mise en scène.
Pour autant, des étapes préparatoires jusqu’aux répétitions, la création scénique mobilise aujourd’hui encore l’écrit. Comme hier, le document de conception et le document de travail entretiennent un dialogue incessant et inscrivent sur le papier les états successifs de la mise en scène, cisèlent son identité, avant qu’elle ne s’incarne plastiquement. Le système de coproduction implique aussi qu’un document final soit rédigé afin de fixer le visage abouti du spectacle. Ces écrits, très majoritairement manuscrits et compilant quantités d’autres documents de travail, posent la triple question de l’autorat de la mise en scène, de sa transmission concrète et de sa conservation.
Mais au XXIe siècle, en l’absence de coproduction ou de reprise programmée, la mise en scène lyrique a-t-elle encore besoin de se mettre par écrit ? A-t-elle encore besoin d’être conservée ?
Plus encore, à l’heure où l’économie du spectacle lyrique suscite la production de quantité d’images et de documents à des fins de communication ou de médiation, qu’en est-il de l’identité intrinsèque de la mise en scène ? où s’inscrit-elle ? Car au cœur de ce que nous prenons l’habitude d’appeler l’ère du metteur en scène, l’identité même de la mise en scène a-t-elle encore besoin de s’inscrire sur le papier pour justifier la part créative de son auteur ou doit-elle subsister par les seules images ?
Perspectives
Il s’agit ici d’étudier la question de l’écriture de la mise en scène lyrique en tant que geste créatif et geste de conservation, du XIXe au XXIe siècles.
Ce colloque ambitionne de faire se rencontrer chercheurs et metteurs en scène pour interroger les modes de production des écrits de la mise en scène (par qui, quand, comment, sous quelle forme ?), mais aussi les modes d’utilisation de ces écrits (outil de conception, outil de travail, outil de conservation), et enfin de considérer voire révéler la qualité littéraire, poétique, comme plastique de ces écrits majoritairement manuscrits, afin de mieux comprendre et définir le statut et les enjeux liés à l’écriture de la mise en scène lyrique.
Pistes proposées
– l’écriture primitive de la mise en scène lyrique, les documents de conception, les croquis préliminaires, la genèse progressive de la mise en scène via le story-board
– les modes de productions des écrits de la mise en scène lyrique, la question des avatars, des dédoublements, la question de l’autorat multiple, le rôle des dramaturges, le rôle des régisseurs, le rôle des assistants de mise en scène
– l’évolution des formats de l’écrit final de la mise en scène lyrique, du relevé de mise en scène au livret de mise en scène imprimé, en passant par le manuscrit de mise en scène, le libretto annoté, la partition chant piano annotée, etc.
– le devenir des écrits de la mise en scène, les fonds de conservation, leur conservation au sein des théâtres lyriques, leur conservation privée
– la qualité graphique, picturale voire plastique des manuscrits de mise en scène, la qualité littéraire de la mise en scène rédigée, le livret de mise en scène comme genre littéraire ?
Données pratiques
Le colloque est prévu les 24 et 25 octobre 2022 à Lyon. Les frais d’hébergement et de restauration pourront être pris en charge par les organisateurs. Lundi 24 octobre, une soirée à l’Opéra de Lyon est envisagée et prise en charge afin d’assister à la représentation de Tannhäuser (direction musicale Daniele Rustioni, mise en scène David Hermann). Mardi 25 octobre, le colloque s’achèvera par la représentation au Théâtre Kantor (ENS Lyon), en fin d’après-midi, de Zylan ne chantera plus (opéra de Diana Soh créé en 2021, mis en scène par Richard Brunel, durée 1h05).
Les propositions de communication, comprises entre 2000 et 3000 signes, accompagnées d’une courte bio-bibliographie sont à adresser avant le 17 juin 2022 au comité d’organisation. Les réponses du comité scientifique parviendront début juillet.
Comité d’organisation :
Jean-Christophe Branger, Université Lumière Lyon 2
Jonathan Parisi, Université Lumière Lyon 2
Muriel Joubert, Université Lumière Lyon 2
Emmanuel Reibel, École normale supérieure de Lyon
Comité scientifique :
Jean-Christophe Branger, Université Lumière Lyon 2
Matthieu Cailliez, Université Jean Monnet, Saint-Étienne
Muriel Joubert, Université Lumière Lyon 2
Roxane Martin, Université de Lorraine
Isabelle Moindrot, Université de Paris 8, Vincennes Saint-Denis
Jonathan Parisi, Université Lumière Lyon 2
Emmanuel Reibel, École normale supérieure de Lyon
Julie Sermon, Université Lumière Lyon 2