Pierre-Alexandre FRADET « L’apport philosophique du sens commun : Bergson, Cavell, Deleuze et l’apport du cinéma québécois »
Thèse en cotutelle ENS de Lyon / Université Laval
Jury :
Thomas De Koninck (directeur),
P.-F. Moreau (directeur),
Marion Froger, Elise Domenach, Arnaud Macé, Donald A. Landes.
Concept éminemment polysémique, le sens commun a été déprécié par un vaste pan de la philosophie occidentale, qui y a vu au mieux l’expression de croyances infondées, au pire la manifestation de croyances erronées et naïves. Là où bon nombre de commentateurs ont repéré dans les pensées mêmes d’Henri Bergson, Stanley Cavell et Gilles Deleuze, trois grandes figures de la philosophie du cinéma, des critiques adressées au sens commun, nous nous efforçons ici de tirer au clair la conception positive qu’ils développent de cette notion, en dépit des soupçons occasionnels qu’ils font peser sur elle. Plus précisément, nous tâchons d’expliquer jusqu’à quel point certaines acceptions du sens commun permettent de satisfaire l’ambition de connaître le réel lui-même.
En premier lieu, nous passons en revue l’argumentation élaborée par certains réalistes spéculatifs (en particulier Quentin Meillassoux et Graham Harman) afin de clarifier d’une part des réflexions qui feront l’objet de discussions et de répliques dans les chapitres subséquents et, d’autre part, de montrer que la dépréciation philosophique du sens commun se prolonge jusque dans les débats les plus actuels sur l’objectivité. Nous faisons ressortir par la suite les angles sous lesquels le sens commun est susceptible de nous rapprocher du réel d’après Bergson, Cavell et Deleuze.
En second lieu, nous entrons de plain-pied dans le domaine du cinéma et examinons en quoi différentes œuvres du renouveau du cinéma québécois (Denis Côté, Stéphane Lafleur, Sébastien Pilote, Rafaël Ouellet, Xavier Dolan, Anne Émond, Rodrigue Jean, le collectif Épopée, Mathieu Denis et Simon Lavoie) viennent à leur manière compléter, radicaliser ou critiquer les réflexions développées dans la première partie autour du sens commun et du réel. À l’encontre de ceux qui qualifient ces œuvres de « mimétiques », « peu songées » et « esthétisantes », nous mettons donc en évidence la façon dont ces films, attentifs à la profondeur de l’expérience ordinaire et à l’exigence de trouver un certain équilibre entre le devenir incessant et la stabilité constante, parviennent à nuancer et à raffiner la philosophie.
Cette thèse a donné lieu en 2018 à une publication aux éditions Hermann.