Margaux DUBAR « Homo addictus. Dépendance et chute : Pascal et Malebranche sur le terrain »

Jury :

  • M. Jean-Philippe PIERRON : Professeur des universités, université de Bourgogne, Dijon. Codirecteur de thèse
  • Mme Delphine ANTOINE-MAHUT : Professeure des universités, École normale supérieure de Lyon. Codirectrice de thèse
  • Mme Claire CRIGNON : Professeure des universités, université de Lorraine, Nancy. Rapporteure
  • Mme Sylvia GIOCANTI : Professeure des universités, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Rapporteure
  • Mme Marie GAILLE : Directrice de recherches HDR, CNRS, Paris. Examinatrice
  • M. Todd MEYERS : Full professor, McGill University, Montréal (Québec). Examinateur
  • M. Denis MOREAU : Professeur des universités, Nantes université. Examinateur

Résumé :

Tomber dedans, rechuter, sombrer ou s’en sortir : ce cliché, que déclinent à l’envi les usager·ère·s et les soignant·e·s rencontré·e·s en parcours de soins, n’est jamais remis en question. Il entretient pourtant une culpabilité latente, peu compatible avec le modèle neurobiologique de la maladie comportementale aujourd’hui adopté en addictologie. Que signifie-t-il au juste ? Ma thèse s’appuie sur les matériaux issus d’une enquête ethnographique conduite au sein d’un hôpital de jour et d’un groupe d’entraide, par observation participante et entretiens approfondis, analysés à l’aune des œuvres de Pascal et de Malebranche. Une anthropologie centrée sur la condition postlapsaire pourrait bien renouveler notre compréhension actuelle des phénomènes de dépendance, de la vulnérabilité et de la précarité qui vont avec – pourvu qu’on s’attache à réhabiliter le réalisme critique de Pascal et la pédagogie incarnée de Malebranche contre une lecture théocentrée. Je m’inscris dans une perspective d’actualité des classiques : Pascal et Malebranche n’ont peut-être pas écrit sur l’addiction stricto sensu, mais ils s’adressent à des lecteur·rice·s qui ont vécu une expérience fondamentale de chute, précisément pour les aider à s’en relever. Il ne suffit pas de condamner le recours à un lexique jugé stigmatisant pour expurger le milieu concerné de son conditionnement interprétatif. A fortiori si l’on considère que la chute renvoie à une facette indélébile de la condition humaine : des mécanismes d’accoutumance, des relations captatrices, des rechutes démoralisantes, et l’inextricable faiblesse humaine. Je choisis au contraire de réinvestir sa poétique en connaissance de cause, éventuellement dans un objectif politique : réintégrer divers vécus humains sous un régime global de dépendance, en admettant des degrés d’intensité comme des variations culturelles, permet de repenser de manière plus inclusive l’accès aux conditions de la liberté, à un projet de reconversion, à des rapports de solidarité, et même à des transports de grâce.