Mathias WINTER « Des agents heureux du progrès. L’éducation morale des parents dans le traitement de l’autisme en France. »
Directeur de thèse : Samuel LÉZÉ (MCF-HDR, ENS de Lyon)
Le jury sera composé de :
Elisabetta BASSO (Pr, université de Pavie)
Sarah CARVALLO (Pr, université de Franche-Comté)
Pierre-Henri CASTEL (Directeur de recherches, CNRS / EHESS)
Steeves DEMAZEUX (Maitre de conférence, université de Bordeaux Montaigne)
Nicolas GEORGIEFF (Pr, université Lyon I Claude Bernard)
Pierre FOURNERET (Pr, université Lyon I Claude Bernard)
Florence WEBER (Pr, ENS)
Résumé :
Cette thèse porte sur les transformations contemporaines de la psychiatrie de l’enfant en France, à partir d’une étude anthropologique du traitement des troubles du spectre de l’autisme (TSA). Son objectif est d’analyser pourquoi la valorisation morale des parents constitue un aspect central et emblématique de la « modernité » thérapeutique dans le domaine des TSA. Elle repose sur une méthodologie associant l’histoire épistémologique et l’ethnographie des pratiques professionnelles. La recherche a porté, d’une part, sur la formation d’un référentiel culturel globalisé fondé sur les catégories d’autisme, de TSA et de syndrome d’Asperger, et sur sa première réception par la pédopsychiatrie française. Ce premier axe est basé sur l’étude d’un corpus documentaire centré sur la littérature psychiatrique américaine, britannique et française de la seconde moitié du XXe siècle. D’autre part, une étude ethnographique a été conduite, entre avril 2016 et septembre 2019, dans plusieurs dispositifs hospitaliers et médico-sociaux prenant en charge des enfants autistes et/ou leurs parents. Les résultats font l’objet de quatre chapitres. Le premier propose une généalogie de l’autisme en tant que référentiel culturel articulé à un idéal de progrès scientifique et social. Ce référentiel se caractérise par trois usages sociaux principaux : la catégorisation épidémiologique de la socialisation primaire, la généralisation d’une pédagogie spécialisée de la socialisation secondaire, et la mobilisation morale et sociale dans le cadre d’une épistémologie politique des affects. Le second chapitre étudie la structuration de la pédopsychiatrie française autour de la catégorie de psychose infantile des années soixante aux années quatre-vingt, dans le but d’élucider les obstacles épistémologiques et moraux ayant conditionné la première réception de l’autisme globalisé en France. Cette réception est analysée dans le cadre d’une étude approfondie du colloque international qui s’est tenu à Paris en 1985, et a marqué le début de la « bataille de l’autisme » en France. Le troisième chapitre porte sur les dispositifs d’éducation thérapeutique à l’attention des parents, qui se généralisent actuellement comme des composants essentiels de la prise en charge de l’autisme. Il montre comment ces dispositifs répondent à un double objectif de réparation et de perfectionnement du statut moral et social des parents. Enfin, le quatrième chapitre étudie les principes et la mise en œuvre de deux interventions thérapeutiques « développementales » (Early Start Denver Model et Preschool Autism Communication Therapy), impliquant toutes deux les parents en tant qu’agents du développement social de l’enfant. Ces interventions confrontent les professionnels au paradoxe inhérent à la tentative de modifier techniquement le comportement parental dans les interactions avec l’enfant, sans en affecter la spontanéité. Dans le cadre de ces interventions, l’association entre l’objectivation minutieuse des progrès de l’enfant et le management émotionnel des parents permet de caractériser une économie morale de l’efficacité dans laquelle les parents se trouvent idéalement institués comme agents heureux du progrès.
Mots-clés : Histoire épistémologique ; France ; Anthropologie médicale ; Psychiatrie de l’enfant ;
Autisme ; Education morale ; Progrès