Maxime TRIQUENAUX « Des aristocrates de papier. Trois figurations littéraires de nobles à la fin de l’Ancien Régime (Besenval, Polignac, Richelieu) »
Le jury est composé de :
M. FERRET Olivier, Professeur des Universités, Université Lumière Lyon 2 (directeur de thèse)
M. LILTI Antoine, Directeur d’Études, École des Hautes Études en sciences sociales
M. LOTTERIE Florence, Professeure, Université de Paris
M. ROULIN Jean-Marie, Professeur, Université Jean Monnet Saint-Étienne
M. GENAND Stéphanie, Professeure, Université de Bourgogne
M. ABRAMOVICI Jean-Christophe, Professeur, Sorbonne Université
Résumé de la thèse
Si la noblesse perd, avec la Révolution, sa position prédominante d’un point de vue politique et social, la situation est différente sur le plan symbolique. Elle continue en effet d’exercer, au moins durant un long XIXe siècle, une véritable fascination qui lui permet de conserver son influence et son prestige. Cette thèse entend examiner les modalités de cette situation paradoxale, en s’intéressant à l’imaginaire social de la noblesse à la fin de l’Ancien Régime. Il s’agit d’étudier cet objet d’un point de vue littéraire, à partir de la figuration de trois personnages de nobles de la fin du XVIIIe siècle : le baron de Besenval, la duchesse de Polignac et le maréchal de Richelieu. La figuration littéraire s’effectue suivant des trajectoires largement différentes pour ces trois cas. Lorsque l’un choisit de prendre la plume pour rédiger ses propres Mémoires (Besenval), l’autre n’est ressaisie que par des textes rédigés par autrui et plus ou moins mal intentionnés (Polignac). Pour le troisième, la situation est encore plus complexe puisqu’un certain nombre de projets éditoriaux concurrents sont lancés au moment de sa mort, certains protégés par sa famille, d’autres non, ce qui aboutit à un corpus de texte particulièrement polarisé. Entre les Mémoires, pseudo-Mémoires et les pamphlets nourris par une intertextualité pornographique ou romanesque, le spectre des genres littéraires représentés est ainsi très large – de même que les contraintes génériques et formelles qui jouent un rôle dans le processus de figuration.
En s’appuyant sur ce vaste corpus, la thèse s’attache à examiner certaines modalités de représentation de ces personnages, en s’intéressant à trois thématiques qui paraissent particulièrement importantes : l’homosexualité, l’angoisse collective d’une prise du pouvoir par les femmes (la gynécocracie) et la déshumanisation. Ces différents points d’entrée, qui impliquent par ailleurs l’utilisation de tout un appareil conceptuel issu des études sur le genre, permettent de rendre compte de la constitution d’une figure d’ennemi imaginaire, l’aristocrate, qui prend toute son importance au moment de la Révolution lorsqu’il incarne l’ennemi archétypal. Elles donnent aussi, malgré tout, l’occasion de deployer un discours de l’exceptionnalité en faveur de la noblesse.
Enfin, ce travail constitue un apport concernant l’étude d’un élément formel caractéristique de l’imaginaire social de la noblesse : l’anecdote. Qu’elle serve à nourrir un renouvellement historiographique de l’histoire critique ou bien de monnaie d’échange dans le système de cour, elle est une unité essentielle de la culture narrative de l’époque. Ressaisie notamment sous des formes qui empruntent au biographème, elle peut aussi permettre de produire un véritable mémorial de la noblesse d’Ancien Régime, qui permet d’entretenir, après la Révolution, son pouvoir de fascination.
Mots-clés : noblesse, aristocratie, imaginaire social, représentations, fin de l’Ancien Régime, Révolution française, genre, figuration littéraire, figure littéraire, Mémoires, littérature pamphlétaire, anecdote, biographème