Mélanie TROUESSIN « L’addiction comme pathologie de la volonté : repenser l’impuissance de la volonté à la lumière des sciences cognitives »
Le jury sera composé de :
M. Bernard BAERTSCHI, maître d’enseignement et de recherche de l’Université de Genève (rapporteur),
M. Pierre FOURNERET, professeur des universités à l’Université Claude Bernard à Lyon (examinateur),
Mme Élodie GIROUX, maître de conférences à l’Université de Lyon 3 (examinatrice),
M. Pierre LIVET, professeur des universités à l’Université d’Aix Marseille (rapporteur),
Mme Joëlle PROUST, directrice de recherche au CNRS et à l’Institut Jean Nicod (examinatrice),
M. Jean-Michel ROY, professeur des universités à l’ENS de Lyon (directeur de thèse)
Résumé :
Notre travail offre une analyse critique des principales théories explicatives de l’addiction articulée autour d’une distinction entre les théories médicales de l’addiction et les explications qui relèvent d’une approche morale (notamment l’explication acratique). Les secondes s’opposant aux premières essentiellement par l’idée que l’individu conserve dans l’addiction sa liberté d’agir autrement. Ces deux types de théories partagent cependant un présupposé commun : une condition pathologique serait incompatible avec une conduite volontaire et intentionnelle. Or certains éléments mis en avant par l’approche clinique de l’addiction, comme le sentiment d’ambivalence, l’initiation ou le phénomène du rétablissement spontané, obligent à rem ettre en cause un tel présupposé et à tenter d’échapper aux explications unilatérales de ce que nous proposons de qualifier philosophiquement de phénomène d’impuissance de la volonté. Il est en effet selon nous possible d’appréhender l’addiction à la fois selon une certaine forme de perspective morale et selon une certaine forme de perspective pathologique.
En premier lieu (cf. Partie 1) parce que l’opposition entre approche acratique et approche pathologique compulsive cérébrale ne repose que sur une certaine idée de la compulsion qui peut et doit être remise en cause. En second lieu (cf Partie 2) parce que le concept de maladie qui sous-tend également cette opposition est lui aussi critiquable et qu’il convient de penser l’addiction à la lumière d’une notion de pathologie plus souple, permettant d’intégrer certaines marques de l’agentivité et de l’action volontaire. En troisième lieu, enfin (cf. Partie 3), parce que ce que l’on a appelé « les maladies de la volonté » offrent un modèle heuristique qui permet de redéfinir d’une manière plus appropriée le phénomène général l’impuissance de la volonté, g râ ce tout à la fois à l’idée de division interne à la volonté-même et à l’octroi d’un rôle central à l’obsession.
Nous proposons donc à partir de notre enquête critique de repenser l’addiction comme une conduite obéissant à quelque chose que nous voulons et ne voulons pas de façon simultanée, au sens où nous avons des raisons simultanées de la poursuivre et de ne pas la poursuivre. Et de considérer que sa dimension pathologique vient de ce qu’une force interne s’y trouve bien introduite, mais dont la nature diffère de celle que désigne la notion dominante de compulsion. Car l’irrésistibilité à laquelle elle renvoie ne réside pas dans les actes, mais dans les pensées des agents.