Olivier SAISON « Le Roman comique ou les prolégomènes d’une fronde narrative : la métalepse, des histoires comiques du XVIIe siècle aux romans postmodernistes nord-américains »

Membres du jury :
 Mr LEPLATRE Olivier, directeur de thèse, Professeur des universités, Université Jean Moulin Lyon 3,
 Mme BARON Christine, présidente et rapporteure, Professeure des universités, Université de Poitiers,
 Mme LAVOCAT Françoise, rapporteure, Professeure des universités, Université Sorbonne Nouvelle, Paris,
 Mr DAYRE Eric, Professeur des universités, Ecole Normale Supérieure, Lyon,
 Mr FRANCÈS Cyril, Maître de conférences, Université Jean Moulin Lyon 3,
 Mme VIVIER Siglène, Maître de conférences, Université d’Artois, Arras.

Résumé
L’étude de la métalepse montre que les formes et les raisons de son utilisation ont considérablement changé depuis les « histoires comiques » du XVIIe siècle jusqu’aux romans postmodernistes nord- américains du XXe siècle.
Chargée de fluidifier le récit dans son usage rhétorique, cette figure qui se manifeste principalement par l’intervention plus ou moins tapageuse d’un narrateur dans son propre récit, s’est vue assigner au fil du temps une fonction de plus en plus marquée dans le champ de l’ontologie - jusqu’à fusionner récemment avec la diégèse sous une forme nouvelle et paradoxale que nous nommons « fictionnalisée ».
Son évolution terminologique, fruit des recherches narratologiques initiées par Gérard Genette, reflète par conséquent celle du rapport qu’entretient l’auteur avec sa narration en particulier et avec l’esthétique romanesque en général. Elle signale à l’inverse la permanence d’une ambivalence partagée par tous ses utilisateurs, entre amour de la fiction et désir de l’interroger, prédilection pour les histoires et contestation ironique de leur pouvoir. L’emploi de ce trope et la dualité rémanente des œuvres en faisant usage ont ainsi permis de mettre en évidence un lignage solide, à travers les siècles et les continents, entre certaines œuvres frondeuses qui ont cherché à modifier, de manière plus ou moins radicale, le pacte romanesque en cours à leur époque.
Le Roman comique de Paul Scarron a ainsi semé en terre fictionnelle des graines irrévérencieuses qui, de Laurence Sterne à Robert Coover en passant par Diderot et Machado de Assis, du jeune Marivaux à John Barth en passant par Donald Barthelme, s’épanouiront plus tard en fleurs bigarrées et parfois vénéneuses, aux racines profondes et mutuelles. Parmi ces ancêtres communs, Don Quichotte de Cervantès occupe une place privilégiée.
Toutefois, d’autres forces, scientifiques et philosophiques, ne sont pas étrangères au recours à la métalepse dans le roman de ces quatre derniers siècles : le scepticisme, le matérialisme puis, pour finir, la physique quantique. L’influence qu’elles ont pu exercer sur les œuvres de notre corpus explique et trahit, chez leurs auteurs, la volonté croissante de rendre leurs fictions perméables à ce que, faute de mieux, nous appelons le « réel » : une exigence qui se situe, contre toute attente, à l’opposé de la réorganisation mimétique de la réalité pratiquée par les romans réalistes, et qui se manifeste dans leur processus créatif par des bifurcations surprenantes voire sulfureuses. Car appréhender la métalepse, c’est en fin de compte, appréhender la question de notre rapport plus ou moins ambigu, en tant que lecteurs, à la réalité et à ses représentations.

Mots-clés : métalepse, Roman Comique, romans Postmodernistes, Sterne, Diderot, Marivaux, De Assis, Coover, Barth, Barthelme, David Foster Wallace, Gassebdi, Physique quantique