On n’est peut-être pas fait pour un seul moi. Biographie, histoire et écriture dans l’œuvre d’Armand GATTI


Contact : Olivier Neveux

Entrée libre - Réservation conseillée : kantor ens-lyon.fr

L’œuvre d’Armand Gatti est, en partie, biographique. La résistance, le camp, les grands reportages, les luttes sud-américaines, son père Auguste et sa mère Laetitia Gatti, etc. : la liste est longue de ce qui nourrit et inspire son écriture. Le récit de sa vie est d’ailleurs devenu, au fil du temps et, notamment, à l’issue de la publication d’une série d’entretiens avec Marc Kravetz, en 1977, l’entrée privilégiée des commentaires sur l’œuvre jusqu’à, parfois, lui faire obstacle. Et, bien souvent, Gatti a fait de ce récit la forme principale de son « discours sur l’art », autant de paraboles sur les mots et le langage, multipliant alors les versions — comme il le fit aussi dans son œuvre. Non sans créer certaines confusions, contestations voire incompréhensions sur ce que « Je » peut bien alors signifier et les rapports qu’entretiennent la vie et l’écriture. Car cette dernière ne saurait se réduire, loin de là, au récit autobiographique, à la confession, au témoignage. Comment nommer en effet son grand livre La Parole errante ? De quel genre relève-t-il puisque de toute évidence l’approche biographique échoue à en rendre compte ? Et comment envisager la présence « autonome » des pronoms personnels dans ses pièces ou scénarios, l’affirmation dans les années 1970 que « Les personnages de théâtre meurent dans la rue » ou son insistance à ce que les stagiaires, lors des créations, répondent à deux questions liminaires : "qui je suis" et "à qui je m’adresse" ?

Il y va, chaque fois, de certains motifs décisifs de cette œuvre : refuser ce qui s’écrit d’une vie, de ses appréhensions déterministes et de ses unidimensionnalités, faire obstacle à l’histoire et à "sa marche à travers un temps homogène et vide ».

La journée aura pour enjeu de réfléchir à la place qu’occupe la vie de Gatti dans son écriture, la façon dont elle est appropriée, transformée, écrite. Et plus largement, de ce que cette œuvre fait à la « vie », aux catégories de « vérité », de véracité, de vraisemblable : ce qu’il en est de l’Histoire, de ses critères d’authenticité et, en ce cas singulier, ce qui pourrait alors la distinguer de la poésie.

PROGRAMME

10-13h :
Olivier Neveux : « Introduction. Le chapitre des bifurcations »
Michel Séonnet : « L’in-vention du camp »
Maria Teresa Aristei : « Voyage de Dante (le poète), de Sauveur (la légende) et d’Armand (l’écrivain) dans la terre des mots »

14h-18h :
Catherine Rohner : « L’auteur et ses doubles : procédé de création, autofiction et déconstruction du sujet de El Otro Cristobal à La Parole errante »
Stéphane Gatti : « Les références italiennes dans l’écriture d’Armand Gatti »
Claire Grino : « Avec Armand Gatti : les promesses émancipatrices du récit de soi »
Jean-Marie Clairambault : « Cherchez-y la vérité, inventez-la !

19h : Projection
« El otro Cristóbal, d’Armand Gatti » un film franco-cubain - 1963 - Fiction - VOSTF - 1h55.
Avec Jean Bouise, Alden Knight, Bertina Acevedo, Pierre Chaussat...
En présence de Jean-Jacques Hocquard (« La Parole errante d’Armand Gatti »)

« El otro Cristóbal dépeint la révolution avec un sens du merveilleux et du carnaval difficilement descriptible. Double picaresque de Fidel Castro, Jean Bouise campe avec fantaisie le leader révolutionnaire qui prend la tête de la révolte contre le dictateur de l’île. La réalité politique est ici dynamitée par un furieux désir de poésie visuelle. Malgré sa sélection au Festival de Cannes, le film n’est finalement jamais distribué à cause d’une dispute entre le producteur français et le producteur cubain »