Pascal intempestif
Organisation : Claudine TIERCELIN (Collège de France) avec la collaboration de Laurence PLAZENET
Le quatrième centenaire de la naissance de Pascal (1623-2023) est l’occasion de nombreux colloques, en France et à l’étranger, autour de son œuvre. Et chacun de scruter l’actualité de Pascal : la profondeur de ses analyses sur la psyché humaine, la nouveauté de sa pensée mathématique et physique, la fulgurance de ses intuitions sur les relations de l’individu au groupe, autant de réflexions qui interrogent encore notre monde, invitant même parfois à voir en Pascal une sorte de « prophète », et qui dressent aussi le portrait d’un Pascal perpétuel – comme on parle de mouvement perpétuel –, d’un Pascal, somme toute, presque inactuel, dont la pérennité serait infiniment renouvelée et renouvelable.
Mais Pascal surgit aussi de fractures : fracture du monde clos de la science médiévale, fracture théologique entre augustinisme et molinisme à l’heure des réformes protestante et catholique, fracture politique au moment où s’instaure l’absolutisme, fracture philosophique autour de Descartes, fracture esthétique quand naît l’Écrivain. Réfléchissant les croyances et les savoirs de son temps (sur les Juifs ou l’héliocentrisme, par exemple), provocante par sa déconsidération de la science, son appel à une vocation militante du laïque au sein de l’Église, son apparent anti-humanisme dressé contre la prétention de l’homme « à se rendre le centre de lui-même » (fr. 182) ou « à se faire Dieu » (fr. 510), l’œuvre de Pascal est elle-même, par son exigence morale, clivante et bien plus problématique que l’admiration de son génie, oubliant ou banalisant l’épithète « effrayant » que lui accole Chateaubriand, ne le concède souvent. Elle a, du reste, suscité l’exaspération de Voltaire ou de Paul Valéry qui refusent les postulats sur lesquels elle est entée.
Plus généralement, Pascal est intempestif dans ses réflexions sur la vérité, sur la croyance, ou encore sur le pari. Elles sont au cœur des débats qui animent l’épistémologie de la croyance religieuse, la théorie de la décision, ou les nouvelles figures que revêt le défi sceptique dans la philosophie contemporaine de la connaissance, mais aussi en éthique et en métaphysique.
À rebours de toute unanimité critique et de la partition généralement observée entre philosophes et littéraires, ce colloque, organisé au Collège de France par Claudine TIERCELIN (chaire Métaphysique et philosophie de la connaissance) en collaboration avec Laurence PLAZENET (professeur à l’université Clermont-Auvergne, directrice du Centre international Blaise-Pascal (IHRIM, UMR 5317, présidente de la Société des Amis de Port-Royal) voudrait donc envisager de façon frontale et double ce Pascal intempestif, inactuel en ce qu’il heurte nos représentations, s’avance à contresens de ses propres contemporains, choisit la brisure et l’éclat contre les conciliations, comme il oppose à la rhétorique scolastique et à la copia, l’inachèvement et le fragment, l’art de la suspension et de la persuasion à la démonstration dogmatique.
contact : laurence.plazenet uca.fr