Réception de Diderot et de l’Encyclopédie.


Cette journée d’étude s’inscrit dans la continuation de recherches effectuées par Jacques Proust dans ses Lectures de Diderot, publié en 1974, puis par Raymond Trousson sur les Images de Diderot en France, paru en 1997. Il faut signaler également l’important travail entrepris par Roland Mortier sur la place de Diderot en Allemagne et plus largement les études fournies par la revue Recherches sur Diderot et l’Encyclopédie et la société Diderot qui a organisé le beau colloque Les ennemis de Diderot en octobre 1991 dont les actes ont été publiés en 1993. La thèse soutenue par Pascale Pellerin en 1998 portait sur les Lectures et images de Diderot de 1750 à la fin de la Révolution. Cette enquête s’est appuyée sur des documents qui n’avaient, pour la plupart d’entre eux, jamais été consultés, particulièrement les brochures révolutionnaires. Un grand nombre de journaux avait été répertorié et reproduit par De Booy et Freer dans un article publié en 1965 dans les Studies on Voltaire portant sur Jacques le Fataliste et La Religieuse devant la critique révolutionnaire. Le choix de Diderot oblige à repenser la notion d’auteur à partir des pratiques de l’époque, pratiques d’auteurs et pratiques de lecteurs : écriture collective, alliances teintées de conflits latents entre Lumières institutionnelles et Lumières prohibées qui se croisent bien souvent, fausses attributions, constitutions de réseaux et de communautés intellectuels. Cette enquête a mis en évidence à la fois l’hétérogénéité profonde des Lumières et une certaine réalité de l’écrivain Diderot. Elle a permis de penser l’impossibilité de le disjoindre des collectifs dans lesquels son écriture s’inscrit. Elle a tenu à prendre aussi en compte le poids du lecteur dans la construction de l’œuvre elle-même.
La publication de son œuvre a été connectée, pendant une grande partie du dix-neuvième siècle avec l’événement révolutionnaire. Pourtant, certains auteurs du dix-neuvième siècle, Stendhal et Balzac, ne cachent pas leur fascination pour Diderot. L’historien Michelet lui rendra hommage. La publication des œuvres complètes par Jules Assézat et Maurice Tourneux de 1875 à 1877, quelques années avant la célébration de la mort de l’encyclopédiste, change un peu la donne mais ne fait pas taire la voix des adversaires. Il faut attendre la deuxième moitié du vingtième siècle et la publication d’importants travaux sur le philosophe, ceux de Jacques Chouillet et de Jacques Proust, entre autres, pour que soit relancé l’intérêt pour Diderot, avec la création de revues qui lui sont entièrement consacrées. Des enquêtes ont été menées sur les manuels scolaires, les encyclopédies, la presse, etc. Auteur du Supplément au voyage de Bougainville et de nombreux passages de l’Histoire des deux Indes, Diderot est dénoncé durant la guerre d’Algérie par les journaux d’extrême-droite comme le fossoyeur de l’empire colonial et l’amorceur du déclin français. L’indépendance de l’Algérie, c’est la faute à Rousseau, c’est la faute à Diderot. S’il existe de nombreuses monographies sur la réception des écrivains des Lumières et sur Diderot, il n’y a eu aucune étude approfondie sur les images de l’écrivain en lien avec la question coloniale, plus particulièrement sur la conquête et la colonisation de l’Algérie de 1830 à 1962. Il s’agit dans cette optique de relever toutes les éditions de Diderot durant cette période, les essais le concernant et de dépouiller les journaux correspondant aux dates de publication, y compris les journaux publiés en Algérie.
On pourra interroger la place de Diderot dans différents courants philosophiques ou littéraires : le romantisme, le positivisme ou le marxisme, à différentes époques, Restauration, Second Empire, Troisième république, deuxième guerre mondiale, etc. La célébration du tricentenaire de la naissance du philosophe a-t-elle apporté de nouveaux éléments ?
Cette enquête, à l’image de l’encyclopédiste dénoncé parfois comme un philosophe touche-à-tout, s’annonce nécessairement interdisciplinaire. Elle fait appel aux critiques littéraires, aux spécialistes du théâtre, de la peinture, mais aussi aux philosophes, aux historiens, aux scientifiques. De plus les images de Diderot ne peuvent se restreindre à l’espace français. Les travaux entrepris sur la place du philosophe en Italie, en Hongrie, en Russie ou en Chine doivent se poursuivre dans d’autres espaces culturels.

Cette journée d’étude constitue la première étape vers un projet de Dictionnaire critique de la réception de Diderot et de l’Encyclopédie qui sera publié sous forme électronique.

La journée d’étude, co-organisée par le laboratoire EHIC, (Université de Limoges), l’IHRIM (Université Lyon 2) et l’IRCL (Université Paul-Valéry de Montpellier) se tiendra le vendredi 29 mai 2020 à l’université de Limoges. Les propositions de communication sont à envoyer à Pascale Pellerin, à Odile Richard-Pauchet et à Franck Salaün avant le 31 décembre 2019.
La réponse des organisateurs sera envoyée avant le 1er mars 2020.