Représentation d’extraits de La Tour de Nesle et Lucrèce Borgia

Voir l’ouvrage issu du colloque

Avec les musiques originales de Louis Alexandre Piccinni

Mise en scène
Gabrielle ORDAS
avec Jacqueline CORADO, Éric DA COSTA, Lionel CECILIO, Clara ORIF (piano), Laura MEILLAND (violoncelle), Élie HACKEL (violon), Maxime GIRAUD (flûte)

Réservation obligatoire à 01 55 18 57 61

Présentation du spectacle

Le spectacle que nous présentons ce soir, tout comme le précédent, fait partie du colloque qui réunit pendant trois jours des chercheurs et des universitaires, spécialistes d’histoire de l’art dramatique des Lumières au Romantisme. Sa vocation est d’expérimenter et de montrer la rencontre du texte théâtral avec les musiques que les auteurs avaient utilisées au moment de la création.
Cette expérimentation modeste fait venir à l’esprit des considérations infinies concernant la difficulté d’opérer la rencontre du son, du texte, du geste, de l’accessoire, du costume et du décor. Elle ouvre un champ aux investigations sur la collaboration entre les créateurs et sur l’organisation de la production théâtrale à l’époque d’Hugo et de Dumas. Elles éclairent également le statut du texte monument diffusé par les éditions scolaires ou savantes et sa distance avec le texte événement utilisé pour les premières représentations. Les textes utilisés ce soir sont l’édition Calmann Lévy des Œuvres complètes de Dumas datant de 1883 et la 2e édition Renduel, annotée par le régisseur du théâtre en 1833 suivant les intentions de Victor Hugo, pour Lucrèce Borgia. Le travail de répétition a été accompli avec une réduction pour le piano de la partition d’orchestre reconstitué d’après les sources montpelliéraines, puis qui a été arrangée pour un quatuor composé d’un piano, d’une flûte, d’un violon, d’un violoncelle.
Ces musiques sont l’œuvre du petit-fils illégitime de Nicolò Piccinni, Louis Alexandre Piccinni, compositeur génial et inspiré – sorte d’Ennio Morricone du théâtre romantique –, auteur de plus de 180 musiques de scène pour les théâtres secondaires parisiens entre 1800 et 1840, et pour des auteurs aussi divers que Victor Hugo, Alexandre Dumas, Guilbert de Pixérécourt, Victor Ducange, Anicet Bourgeois ou Frédérick Lemaître. Abandonnées ou remplacées depuis la fin du 19e siècle, les partitions de La Tour de Nesle et de Lucrèce Borgia étaient considérées comme perdues et n’étaient encore connues que grâce à des documents très fragmentaires conservés au département de la musique de la Bibliothèque Nationale de France.
En 2012, à l’occasion d’un séminaire musicologique dédié aux musiques de scène à l’Université de Paul Valéry Montpellier 3, Benoît Louriou et Fernando Morrison font coup sur coup la découverte dans les fonds publics de la ville de Montpellier de lots complets de matériels d’orchestre de ces deux ouvrages emblématiques de la naissance du drame romantique au Théâtre de la Porte Saint Martin. Ce sont ces sources uniques qui sont utilisées dans le spectacle de ce soir.
Les partitions étaient conçues pour un orchestre dont la nomenclature et l’effectif sont ceux de la cinquième symphonie de Beethoven, c’est-à-dire qu’elles requéraient une cinquantaine de musiciens et conviaient l’orchestre symphoniques complet des années 1830. Pour des raisons budgétaires, il n’a pas été possible de monter une pièce en entier ni de réunir un dispositif musical aussi ambitieux. Les organisateurs du colloque et les artistes ont souhaité cependant en présenter des extraits pour l’intérêt de nos débats mais aussi dans l’intention de susciter la curiosité, avec l’espoir que ces moyens pourraient être réunis un jour et aboutir à une restitution intégrale.
Nous souhaitons remercier très vivement la ville de Boulogne et la Bibliothèque Paul Marmottan représentées par Gabrielle de Roincé et Paméla Blanco, pour l’accueil qu’elles ont réservé à cette manifestation ; le Théâtre Jean-Pierre Vernant de Montreuil et Stan Valette pour leur implication dans l’éclairage du spectacle ; le Conservatoire à Rayonnement Régional de Boulogne-Billancourt pour le prêt de matériel ; Yvan Demeulandre pour la captation vidéo de la générale ; Julien Chauvin, chef d’orchestre du Concert de la Loge dont la participation aux représentations a été – hélas – compromise par des obstacles budgétaires ; Jacqueline et Michel Ordas, ainsi que Françoise Taïeb qui ont œuvré de mille manières à l’organisation administrative et à la scénographie.


Entre les idées de Diderot, les pratiques de la Comédie-Française, le mélodrame du début du XIXe siècle, le drame romantique ou le théâtre populaire, la proximité est ancienne et constante quand on considère la musique de scène. Elle ex- périmente alors des procédés de rencontre entre la parole, l’image (décor, costume, atmosphère) et la musique qui nous sont devenus familiers à cause de leur omniprésence dans les arts au- diovisuels. Quels effets attendait-on d’elle au théâtre, où l’on chante peu ou pas du tout ? Les théâtres avaient-ils un orchestre ? Quelle était cette musique non-chantée et dans quelle pro- portion intervenait-elle ? Sa présence était-elle inspirée par des préconisations théoriques ? Pourrait-on en décrire les pratiques et observer leur permanence, leur renouvellement au cours de la séquence ouverte à la fin des années 1750 par le Discours sur la poésie dramatique de Diderot et aboutissant aux drames hugoliens conçus pour le Théâtre de la Porte Saint-Martin ?