Sophie COUDRAY « Histoire politique et esthétique du Théâtre de l’opprimé en France de ses origines aux années 1990 »
Membres du jury :
M. NEVEUX Olivier, Professeur des universités, École Normale Supérieure de Lyon (directeur)
M. URRUTIAGUER Daniel, Professeur des universités, Université Lumière Lyon 2
M. NICOLAS-LE STRAT Pascal, Professeur des universités, Université Paris 8
Mme GAUTHARD Nathalie, Professeure des universités, Université de Nice
Mme DENIZOT Marion, Professeure des universités, Université Rennes 2
Résumé
Bien loin de l’image mythifiée et parcellaire du Théâtre de l’opprimé, cette étude historique entend mettre au jour les processus à l’œuvre dans le développement de cette praxis élaborée par le metteur en scène brésilien Augusto Boal. Toujours envisagé tout à la fois comme théorie (la poétique de l’opprimé) et pratique, le Théâtre de l’opprimé est ici saisi dans toute son historicité. En s’appuyant autant sur un corpus théorique que sur des archives — dont un fonds inédit appartenant au Centre du Théâtre de l’opprimé de Paris — et des entretiens avec les praticiens qui ont été membres du centre parisien, les recherches menées nous ont permis de retracer une histoire qui se veut à la fois politique et esthétique du Théâtre de l’opprimé.
Structurée chronologiquement, l’étude commence dans les années 1950 au Brésil, afin d’évoquer les préoccupations artistiques d’Augusto Boal — alors metteur en scène au Teatro Arena de São Paulo —, centrées sur la recherche d’un renouvellement des formes dramatiques répondant à un impératif politique : faire du théâtre populaire, c’est-à-dire pour le peuple brésilien. Il s’agit de déceler, dès cette époque, les prémices d’une réflexion théoriques mais aussi les racines de certaines techniques théâtrales, qui constituent le terreau sur lequel se développera le Théâtre de l’opprimé, au milieu des années 1970, alors que Boal est en exil.
La suite de cette étude se déroule en France, un pays où Augusto Boal commence à se faire connaître en 1971 grâce au Festival mondial du théâtre de Nancy et à la revue Travail théâtral. C’est à Paris, à la fin des années 1970, qu’il fonde le tout premier groupe permanent de Théâtre de l’opprimé, dont la mission est de diffuser et de transmettre cette méthode. Le groupe va progressivement se professionnaliser et s’institutionnaliser, pour finir par trouver sa place dans le champ du théâtre d’intervention socioculturelle, un espace dans lequel la structure va poursuivre son activité jusqu’en 1998, date à laquelle celle-ci va éclater pour donner naissance à de multiples compagnies éparpillées sur le territoire français, laissant un centre dont l’identité s’en est trouvée profondément renouvelée.
L’histoire française du Théâtre de l’opprimé est l’histoire d’un dialogue permanent entre le théâtre, le champ politique, militant et l’éducation populaire. C’est également l’histoire d’un collectif, que rassemble l’usage d’une même méthode théâtrale et qui traverse deux décennies au cours desquelles l’époque a profondément refaçonné le visage de la société. C’est donc une histoire traversée de contradictions, d’évolutions, mais aussi de positions maintenues et réaffirmées, qu’il s’agit ici de mettre au jour. Des mouvements militants à la politique de la ville, le parcours du centre parisien de Théâtre de l’opprimé est celui d’un groupe en prise avec son époque. Parisienne, la structure fondée par Boal est cependant centrale dans la diffusion à l’échelle mondiale des techniques du Théâtre de l’opprimé. En cela, écrire l’histoire du Théâtre de l’opprimé en France est une façon de contribuer modestement à en écrire une histoire mondiale, dont le centre parisien constitue une étape cruciale.