Stéphane Dunand « Arne Naess. Expériences et valeurs de la nature »
Contact : Marine Bedon
Site du laboratoire junior
Intervenant : Stéphane Dunand est philosophe, auteur de « L’expérience du monde », essai qui clôt l’ouvrage La réalisation de soi. Spinoza, le bouddhisme et l’écologie profonde. Arne Naess, éditions Wildproject (2017).
Résumé de l’intervention :
Pourquoi faut-il lutter pour préserver une forêt où d’autres projettent de faire passer une route inutile ? Arne Naess pense que ce qui motive le défenseur de cette forêt est l’amour qu’il éprouve pour elle, son désir de préserver sa valeur, par exemple sa beauté. On dira alors qu’il est irrationnel, qu’il prend son expérience pour une révélation du monde, alors qu’elle n’est qu’une illusion. La beauté de la forêt est dans son œil de spectateur et l’attitude de l’activiste n’est alors qu’affaire d’émotion, tandis que la défenseur de la route est du côté de la raison : ce qui nous entoure n’a de valeur qu’instrumentale. Nous allons examiner la réponse ontologique de Naess à ce genre d’argument en esquissant à grands traits son ontologie des gestalts. Nous montrerons ensuite comment cette ontologie peut affronter les conflits de valeur entre personnes différentes, celle qui veut défendre la forêt et celle qui est insensible à sa beauté ou qui la perçoit comme horrible. En effet, si les valeurs sont objectives, la forêt peut, semble-t-il, être à la fois horrible et belle. Naess montrera qu’avoir une expérience des valeurs positives de la nature est le signe d’une vie bonne et d’une réalisation de soi. Le Soi n’étant pas, en un sens que nous verrons, limité aux frontières de notre esprit ou de notre corps, nous verrons pourquoi, il importe que ce que l’on appelle la nature soit en un sens préservée. C’est donc l’ontologie des valeurs et de l’expérience de Naess dont on tentera de dresser les contours.
Le laboratoire junior Écologie : Natures et Expériences (Econes) se donne pour objet la mise au jour, par la collaboration d’étudiants et praticiens de différentes disciplines – littérature, sciences humaines, sociales et exactes – des conceptions distinctes de la « nature », investie dans des expériences qui émergent de pratiques diverses, mettant en relation des acteurs déterminés – des individus, des collectifs – et des éléments, entités ou sites naturels ; conceptions parfois en conflit, notamment à l’heure de la crise environnementale, et de l’élaboration de mesures pour y faire face.