Lettres sur les Anglais (III). Lettre sur M. Locke

VOLTAIRE

Œuvres complètes de Voltaire, vol. 6C
Édition critique de Antony MCKENNA et Gianluca MORI
Oxford, Voltaire Foundation
3 mars 2020, 344 p.
ISBN 978-0-7294-1217-9

La lettre 13 des Lettres sur les Anglais de Voltaire traite de Locke et de la question de l’âme. La première version de ce texte, la Lettre sur M. Locke - que nous présentons dans ce volume - a été supprimée en 1733 en raison de ses implications quasi-matérialistes qui mettaient en péril l’ensemble de la publication, et a été dûment remplacée par la version édulcorée que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de lettre 13. Cependant, Voltaire a repris la Lettre originale en 1736 et a développé la comparaison entre l’homme et l’animal, suggérant qu’il existait un lien essentiel entre l’organisation des corps et leurs propriétés cognitives. La Lettre échappe au contrôle de Voltaire et circule sous forme manuscrite et imprimée tout au long du XVIIIe siècle et va jouer un rôle dans l’émergence de la pensée matérialiste au cœur des Lumières françaises.

Notre édition critique a exigé une véritable enquête de détective selon plusieurs pistes ouvertes par les « nouvelles à la main » qui annoncent au mois de juin 1736 la diffusion d’une version inédite de la Lettre sur Locke. Toutes ces pistes ont conduit à un recueil de manuscrits clandestins conservé à l’Arsenal, qui s’est révélé être la source de toutes les copies manuscrites connues et des très nombreuses éditions publiées au cours du dix-huitième siècle. Chemin faisant, il s’agissait de démasquer les ennemis de Voltaire et leurs complices – une bande de « usual suspects » – qui ont œuvré à la diffusion de la Lettre et d’autres écrits audacieux de Voltaire. On découvre ainsi au bout de l’enquête une stratégie concertée de comploteurs qui exploitent un aspect des compositions de Voltaire qui le rend vulnérable : son irréligion. Voltaire a beau tempêter, multipliant les dénégations et les désaveux ; il porte plainte, il fait lancer des enquêtes, des perquisitions, des saisies, des arrestations et des interrogatoires ; imprimeurs, libraires, colporteurs, pamphlétistes, journalistes, auteurs petits et grands, et un violoniste de l’opéra, tous y passent, mais rien n’y fait : dans l’ombre, les autorités de l’État veillent au grain et assurent l’impunité aux coupables.

Plus d’informations sur la version clandestine de la Lettre sur Locke (consulté le 15 mai 2024)

Illustration : Godfrey KNELLER (1672-1725), Portrait de John Locke, huile peinte en 1697, State Hermitage Museum, Saint-Pétersbourg, Russie.

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