Actualité de la recherche
Quinzo confiné « Flaubert en quarantaine »
Extrait d’une lettre de Flaubert en lien avec le travail sur cet auteur de Stéphanie DORD-CROUSLÉ
Flaubert parle de la quarantaine mise en place à Beyrouth à la suite de cas de choléra constatés sur l’île de Malte :
« Enfin aujourd’hui que nous sommes en prison, je profite d’un moment pour t’envoyer ce petit mot de souvenir. Les lazarets ont été inventés pour les quarantaines et les quarantaines pour emplir la poche de ces bons Turcs, tout cela sous prétexte de peste ; or du moment qu’on arrive d’un pays étranger on a la peste et je crois franchement qu’ils en ont peur – Ainsi nous sommes en ce moment en suspicion de choléra parce que le paquebot qui nous a amenés d’Alexandrie ici avait touché à Malte et qu’à Malte quinze jours auparavant il y avait eu deux cas de choléra. Conséquemment nous sommes claquemurés dans une presqu’île et gardés à vue – L’appartement dans lequel je t’écris n’a ni chaises ni divans ni table ni meubles ni carreaux aux fenêtres – on fait même petit besoin par la place des carreaux des dites fenêtres, détail que tu trouveras peut-être superflu, mais qui ajoute à la couleur locale – il n’y a rien de plus drôle que de voir nos gardiens qui communiquent avec nous à l’aide d’une perche, font des sauts de mouton pour nous éviter quand nous les approchons, et reçoivent notre argent dans une écuelle remplie d’eau – hier au soir, Sassetti a manqué faire à l’un d’eux dégringoler l’escalier à grands coups de pied dans le bas des reins – Pour nous purifier cet imbécile était venu nous empester avec des fumigations de soufre. Notre malheureux groom était déjà presque asphyxié et toussait comme cent diables enrhumés – Quand on veut leur faire des peurs atroces, on n’a qu’à les menacer de les embrasser – ils pâlissent – en résumé quoique nous soyons présentement dans un local de nom funèbre nous rions beaucoup. »
Source : Flaubert à Olympe Bonenfant, Beyrouth, 23 juillet 1850, Centre Flaubert, univ. de Rouen. En ligne : https://flaubert.univ-rouen.fr/jet/public/correspondance/trans.php?corpus=correspondance&id=13630