Quinzo confiné « Par temps de peste au XVIIe siècle… »

Survie du virus sur les surfaces et mesures d’hygiène…

Textes du XVIIe siècle, en lien avec les recherches de Edwige KELLER-RAHBÉ, maîtresse de conférences en littérature française du XVIIe siècle
1re livraison : la suite au prochain Quinzomadaire…

Grand compilateur d’histoires admirables et mémorables, Simon Goulart tire de Pierre Forest plusieurs anecdotes relatives à la transmission du virus de la peste par les objets.
Surfaces contaminées
Lucas Sasbout, brave jeune homme, aagé de vingt neuf ans, fils unique d’un riche brasseur de biere, s’estant remué de logis avec sa femme, & fouillant en certain buffet, une toile d’araigne lui tomba sur la main, dont sortit une pustule venimeuse. Six mois auparavant, quelques uns estoyent morts de peste en icelle maison, laquelle avoit esté deshabitee depuis, & soigneusement nettoyee, mais les cureurs avoyent oublié de toucher à ce buffet ou armoire, qui estoit sous une cheminee. Du commencement Lucas gratta quelque peu cette pustule, qui lui cuisoit. La demangeaison s’enflamme, il devient pesant & endormi, voire si las & abatu qu’il ne pouvoit se tenir debout. Il commence à trembler & est saisi de fievre pestilentielle, vomit à force, sa pustule s’eslargit, fait ulcere & crouste. […] le malade, fort regretté de ses amis, mourut deux jours apres. […] quant à ceste toile d’araigne, tombee sur la main du jeune homme susmentionné, dont s’ensuivit la peste, que c’est un avertissement à tous de faire nettoyer soigneusement les maisons de toutes ordures, item les meubles de bois & les habillemens sans rien obmettre à quoi les pestiferez ayant touché.

Gestes barrières
Que l’an mil cinq cens onze Verone estant gardee par les Alemans (gens qui pour la plupart redoutent aussi peu la peste qu’une simple fievre, vont visiter leurs compagnons, les touchent, tastent le pouls, & boivent avec eux en leurs chambres & pres de leurs couches.) survint une peste qui estouffa dix mille personnes en peu de temps. Entre autres vingt-cinq Lansquenets perirent par le moyen d’une robe ou casaque fourree. Le premier qui s’accommoda de ceste piece pestiferee mort, un autre s’en vestit, & trespassant la laissa à un tiers acoustré de mesmes. Du tiers elle vient au quatriesme, & le tour alla jusques au vingt cinquiesme. En fin leurs compagnons, moins fols, bruslerent casaque, fourrure & tout, qui ne fit plus de mal. Je me souviens aussi (dit-il) que sept jeunes enfans moururent de peste hors de la ville d’Alcmar en Hollande, par l’inadvertance de leur mere, qui estant allee avoir apporté de là quelques hardes d’un sien parent mort de contagion. Les ayant estendus au soleil, les enfans se jouërent autour, dont sortit la vapeur venimeuse qui les tua tous.

Source : Le Troisiesme et quatriesme volume du Thresor des Histoires Admirables et Memorables de nostre temps, Recueillies de plusieurs Autheurs, Memoires & Avis de divers lieux. Par Simon Goulart Senlisien, Pour Samuel Crespin, 1614, p. 564-566.
Illustration : Pieter JANSSENS ELINGA, La Balayeuse, vers 1670, Paris, collection Petit Palais.

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