Quinzo confiné « Par temps de peste au XVIIe siècle… »

Le confinement théorisé

Textes du XVIIe siècle, en lien avec les recherches de Edwige KELLER-RAHBÉ, maîtresse de conférences en littérature française du XVIIe siècle
2e livraison : la suite au prochain Quinzomadaire…

La peste sévit en France dans les années 1666-1670. Ce texte anonyme, attribué au Père Léon, Augustin Déchaussé de France, expose les mesures de confinement à mettre en place en cas d’épidémie dans l’intérêt de la santé publique.

Pour amortir l’effect de la Peste, & en empescher le progrés, il est necessaire de pourvoir aux lieux empestez, aux circonvoisins, & à ceux qui en sont dans quelque esloignement.
L’on doit songer avant toutes choses de renfermer le mal où il est ; pour y parvenir avec seureté, il faut establir aux extremitez des terroirs des lieux infectez un espece de Blocus, en sorte que personne ne puisse passer, ny par les chemins, ny à travers-champs sans en estre apperceu.
Il faut observer s’il se peut, que ceux que l’on y employera, ne soient pris des lieux les moins proches, pour éviter complaisance ou corruption, & commandez par gens de probité & de capacité. Cela estably, on fait faire un cry public dans le lieu infecté, par tout où il est nécessaire, portant deffenses de passer à travers-champs, forcer ou tromper les Corps-de-garde du blocus, sous peine de la vie : Et en effet, on doit user de toute severité.
On fait sçavoir, que tous ceux qui voudront sortir du lieu infecté, le pourront, en prenant des Gardes au Blocus, qui les conduiront aux lieux destinez pour faire quarantaine aux formes & precautions qui seront cy-apres establies.
Les lieux ainsi fermez par le Blocus, sont secourus au moyen des conferances que l’on y etablit, suivant ce qui sera dit cy-dessous.
La precaution qu’il y a à prendre, au sujet des lieux circonvoisins, n’est pas moins importante pour empescher le progrés de la Peste, l’experience faisant voir qu’elle se communique ordinairement par degrez, & qu’elle commence toûjours à s’estendre par les voisins, qui apparemment ont eu une plus grande frequentation que les plus éloignez ; Il est necessaire d’interdire le commerce & l’entrée, par tout ailleurs à tous les lieux limitrophes du terroir infecté, durant quarante jours, pendant lesquels si elle y a esté portée elle se manifestera, & pour en estre plus certain, on ordonne, Que tous ceux qui tomberont malades pendant le temps, seront visitez avec les precautions requises, par les Medecins & Chirurgiens preposez à cet effet : Mesmes que ceux qui pourroient mourir subitement ou autrement, sans avoir esté auparavant visitez, ne pourront estre enterrez que leurs coprs ne le soient, les rapports de visite remis à ceux à qui l’authorité sur les lieux sera commise, pour estre par eux ordonné : On fait deffenses de receller en ces lieux aucuns malades, ou morts sous peine de la vie ; Et on rend responsable les Maires & Eschevins, & autres Magistrats de police des lieux.
Cela n’empeschera pas que l’on n’establisse le Blocus au delà desdits lieux circonvoisins, & à l’extremité du terroir infecté ; parce que cette interdiction n’est qu’une precaution sans aucun mal apparent ; sauf, s’il venoit à se manifester en aucuns de ces lieux, de reculer ledit Blocus, en sorte qu’il enfermast l’endroit où il auroit paru ; cette maxime devant toûjours estre pratiquée, qu’il faut renfermer le mal où il est.
Les lieux ainsi interdits de commerce, n’en pourront pas mesmes avoir parmy eux, de peur que ceux qui dans la suite pourroient estre attaquez de ce mal, ne vinssent à infecter les sains.
Et dautant que nonobstant la plus seure garde, il n’est pas impossible que quelqu’un peust eschapper au delà du Blocus mesmes sortir des lieux interdits pour le soupçon, que toutes les precautions deviendroient inutiles, si telles personnes avoient la liberté de passer par tout : Pour l’empescher, il est necessaire d’establir des Billettes aux formes cy dessous prescrites, dans tous les lieux à vingt lieuës aux environs de celuy qui est pesté : Il seroit mesmes bon que ce fust jusques au plus pres de Paris, afin que l’on puisse sçavoir, d’où sont, & d’où viennent ceux qui viendront de vers la route des lieux infectez, d’en faire sortir ny transporter ailleurs aucuns meubles ny hardes, jusques à ce qu’autrement en soit ordonné, deffenses à tous autres lieux de les recevoir, & si aucuns en ont esté receus de les brusler presentement, ou les murer aux endroits où ils se trouveront, sans les toucher ny manier, jusques à ce que l’on aye pourveu aux parfums & purifications.

Sources : Ordres a observer pour empescher que la peste ne se communique hors les lieux infectez. Ensemble quel ordre on doit tenir dans une Ville qui en est infectée, Paris, Frédéric Léonard, 1668, p. 1-5.
Illustration : Plan de l’hôpital en 1647 - Portraict du magnifique bastiment de l’Hospital de la Charité de la ville de Lyon, 1647, Archives des Hospices Civils de Lyon, B CH 418.

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